La pandémie de COVID-19 a chamboulé notre vie sociale. On croyait que le déconfinement serait synonyme du grand bonheur de se retrouver enfin. Mais plusieurs – dont moi! – ont dû se heurter à une réalité à laquelle on ne s’attendait pas : on ne sait plus comment agir avec les autres. Pire : la crainte de paraître gauche ou inadéquat nous pousse à repousser, annuler ou reporter les invitations. Avons-nous perdu nos aptitudes sociales?
La chroniqueuse Chantal Guy l’évoquait à la fin août sur LaPresse+ : «Après presque six mois de distanciation, être contente d’éviter une soirée amicale pour rester à la maison habillée en mou est à mon avis la preuve manifeste d’un problème.» En effet, après en avoir discuté autour de moi, plusieurs m’ont avoué ne plus avoir cette envie pressante de voir du monde trouvant la tâche lourde en précautions et se sentant maladroits comme s’ils ne savaient plus comment agir avec les autres. Il est vrai qu’il est presque plus simple d’aller à l’épicerie – tout est indiqué, les règles sont claires, des flèches nous pointent le chemin, etc. – que d’aller chez des amis. On ne sait pas comment se saluer, quoi dire pour briser la glace, quoi faire quand vient le temps de manger, on avance, on recule, on calcule la distance, etc. On dirait qu’on a perdu toute notre expérience sociale et on se sent timides et maladroits comme quand on était ados. Sans compter que pour plusieurs, le déconfinement a été anxiogène et difficile à gérer.
Perdre nos repères et les retrouver (ou les réinventer!)
À travers cette tempête, on doute. On doute fort. Et surtout de nous. Dans un climat rempli d’incertitudes et où l’avenir ne se prédit qu’une semaine à la fois, ou presque, c’est encore pire. Si on ne peut pas avoir tout comme avant, est-ce que nos liens seront aussi forts? Si on ne peut pas se laisser aller à une accolade, à une poignée de main, à une tape dans le dos, un high five ou tout autre geste de proximité, est-ce qu’on est juste mieux d’attendre avant de se revoir?
Nous sommes donc craintifs, méfiants et surtout très durs envers nous-mêmes. On croit avoir perdu notre humour, nos réflexes sociaux, nos manières d’être et notre capacité à s’adapter. Du coup, comme on doute de nous, on peut avoir tendance à s’isoler ce qui risque d’être néfaste pour notre santé mentale. L’idéal est de trouver un équilibre et de réapprendre à se faire confiance. Et comme on l’a fait pour le déconfinement, il faudra suivre notre rythme pour réveiller nos habiletés sociales quelque peu rouillées par ces six derniers mois.
Pour les prochains mois et peut-être années, nos interactions sociales seront soumises à un nouveau respect sanitaire. Certaines mesures d’hygiène feront désormais partie de notre routine pour limiter la propagation des virus (COVID ou autres) : lavage des mains, tousser dans son coude, port du masque dans les lieux publics, rester à la maison quand on est malade, etc. Mais il est très possible que la «tâche» nous apparaisse de moins en moins contraignante et de plus en plus «normale». Elle deviendra un réflexe comme le fait de boucler sa ceinture en voiture.
Quand ces gestes seront plus fluides et moins organisés, on arrêtera de les voir comme un obstacle et on se sentira davantage en confiance pour se créer un nouveau cadre. Il y aura toujours des ajustements. On se sentira freiné dans notre spontanéité quand on part de la maison sans masque et qu’on doive rebrousser chemin pour aller le chercher ou encore quand on veut aider quelqu’un qui échappe quelque chose par terre et qu’on ne sait plus si on peut l’aider ni même comment le faire.
Si plusieurs d’entre nous peinent à retrouver notre aplomb social, c’est que le confinement a grandement perturbé nos relations. D’abord, il se peut que cette période ait engendré un ménage dans nos relations existantes nous faisant réaliser que certaines amitiés n’étaient peut-être pas aussi sincères ou bénéfiques qu’on le croyait. Ensuite, le fait qu’on ait dû arrêter de voir certaines personnes a créé un fossé qu’il est désormais un peu plus difficile à enjamber. Ce n’est pas impossible, mais il faut faire un effort. On se sent «maladroit» et il se peut même qu’on repousse le moment de se revoir. Finalement, les mesures sanitaires limitent les potentielles nouvelles rencontres. Finis les 5 à 7, les cafés, les sorties dans les bars, etc. Nécessairement, nos relations sociales ne sont plus les mêmes et ont été transformées.
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Socialiser autrement
Pendant des mois encore, les gestes barrières et la distanciation feront partie de notre réalité. Il sera donc nécessaire de réinventer en triant ou adaptant nos anciennes habitudes sociales tout en étant prêt à en créer de nouvelles. Mais au lieu de viser de grandes actions, on sera peut-être plus tourné vers les petits gestes simples, mais dont on saisit désormais toute la valeur et l’importance. Oui, il peut être satisfaisant de faire du bénévolat dans notre quartier, mais on peut aussi créer des connexions en multipliant les petites actions.
Quelques petits défis pour réapprendre à créer des liens
- - Sourire à plusieurs personnes quand on sort.
- - Sourire avec nos yeux.
- - Saluer les gens dans les voitures par un signe de tête.
- - Multiplier les politesses «Bonjour!», «Merci!», «C’est gentil!», «Bonne soirée!».
- - Engager la conversation avec ses voisins.
- - Téléphoner à ses amis pour prendre des nouvelles au lieu de le faire par texto.
- - Faire de courtes visites à des proches au lieu de viser de longues soirées.
- - Marcher avec un.e ami.e au lieu d’aller souper au restaurant
Quand on réapprend à faire confiance à nos aptitudes sociales, on doit être indulgents envers soi-même et y aller selon nos capacités. On ne fait pas de promesses qu’on ne pourra tenir ou qui nous rendront mal à l’aise. La perspective de passer toute une soirée chez quelqu’un peut paraitre trop intense, mais on accepterait plus d’aller prendre un café pendant une heure. Il faut faire des choix raisonnables qui nous apprendront à tolérer les inconforts. Aussi, il ne faut pas oublier que nos capacités sociales reviendront. On pourrait faire un parallèle avec un sport qu’on a mis de côté pendant plusieurs années : on sait faire du ski, mais quand on les chausse pour la première fois depuis un bout, on ne se sent pas toujours solide. Même chose pour nos relations interpersonnelles. Peu à peu, tout revient. Pas toujours comme avant, mais là, c’est à nous de réinventer le tout. Tout reste une question de perspective. Et si cela nous permettait d’avoir désormais des relations plus authentiques?
UN LIVRE POUR POURSUIVRE LA RÉFLEXION
Édito
Être à son meilleur par Benoît Chalifoux. Édito, 2020. ISBN : 978-2-924959-84-8 , 24,95$
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