Le rejet constitue l'une des pires blessures. Même une fois adulte, se sentir rejeté blesse notre estime de soi. S'en suit parfois un état de tristesse, une propension à s'isoler, une diminution de la confiance en soi et même une dépression.
Des chercheurs de l'université de Californie à Los Angeles ont découvert que le rejet déclenche dans le cerveau le même type de réponse que la douleur physique. Nous voulons tous faire partie d'un groupe et nous sentir acceptés par ses membres.
Dans notre vie de tous les jours, nous sommes sollicités de toutes parts et nous ne pouvons accepter toutes les invitations à nous joindre à divers groupes, comités, activités. Nous faisons des choix et rejetons ce qui ne nous convient pas. Malheureusement, lorsque c'est nous qui sommes rejetés, on a très souvent tendance à le prendre « personnel ». Et qui dit rejet, dit baisse de l'estime de soi. Cependant, cette peur du rejet a du bon : elle nous sert de baromètre pour mesurer la qualité de nos interactions et nous permet d'apporter des ajustements.
Le rejet, mal du XXIe siècle?
On attribue une bonne part des dépressions à ce sentiment d'isolement, au fait qu'on se sente à part ou exclus. Il y a 200 ans, on naissait, vivait et mourrait dans le même village, dans la même famille. On faisait partie à vie de ces groupes. Ce n'est plus le cas désormais. Les mailles du filet social sont de plus en plus espacées. Nous vivons maintenant dans une société d'une extrême complexité et sommes exposés à de nouvelles situations et de nouvelles personnes sur une base quotidienne. Ce qui fait augmenter nos risques de vivre le rejet.
Vrai ou faux rejet?
Comme les situations propices au rejet sont multiples, on conclut parfois, à tort, qu'on a été rejeté. Il est donc sain de bien évaluer la situation avant de réagir. Il y a bien sûr des cas évidents de rejet. Le bouc émissaire en est l'exemple le plus évident. Cependant, la froideur perçue chez une personne ou un groupe à notre égard peut simplement être une forme de méfiance ou de prudence face à nous, le nouvel arrivant. Il peut aussi s'agir d'indifférence ou de distraction.
La peur qui paralyse
Le problème c'est que pour certaines personnes hypersensibles, il est très difficile de faire la part des choses. Pour elles, la peur de rejet est un problème énorme. Leur « baromètre social » ne fonctionne pas correctement et elles reçoivent constamment des messages d'alertes indiquant qu'elles sont rejetées. Elles en viennent à vivre dans l'anticipation du rejet. Elles ajustent sans cesse leur comportement, en font trop. Elles suscitent une certaine antipathie et ont de la difficulté à s'intégrer à un groupe. Et elles finissent par s'attirer exactement ce qu'elles craignent le plus : le rejet.
Ce dérèglement, ou cette mauvaise lecture des signaux, témoigne d'une blessure profonde, qui vient toujours de l'enfance. Avec le temps et les échecs à répétition, on finit par s'isoler afin d'éviter le rejet.
Un autre trait typique de la personne qui se sent toujours rejetée est la rumination. Elle passera et repassera des centaines de fois le film de ce qui s'est passé, décelant du rejet dans le moindre détail. Au lieu de tenter de mettre les choses au clair ou de passer à l'action, elle est paralysée par un sentiment d'impuissance et de colère.
Des blessures d'enfance
La peur du rejet se développe pendant l'enfance et ses causes sont multiples : parents critiques, négligents ou absents. Elle peut se déclencher à la suite d'un événement traumatisant, comme la séparation du nourrisson ou du bébé avec ses parents (lors de naissance prématurée ou d'une maladie chez l'enfant ou l'un des parents par exemple).
Une des causes les plus médiatisées ces dernières années est le rejet vécu par les enfants victimes d'intimidation à l'école. Souvent timides et effacés, ces enfants servent de boucs émissaires et subissent des blessures émotives graves, parfois irréversibles. Ils développeront souvent une tendance à vie à la dépression, auront toujours l'impression d'être à part, différents et rejetés. Voilà pourquoi il est impératif, en tant qu'adulte, d'intervenir immédiatement si on croit que notre enfant est victime d'intimidation ou s'il en est l'instigateur.
Reprendre le pouvoir qui nous appartient
Avoir peur du rejet c'est être passif et attendre des autres un signe, une ouverture. C'est accorder une importance démesurée à l'opinion des autres et à s'estimer en fonction du regard que les autres ont sur nous. C'est, au bout du compte, être à la merci des autres, être leur victime. On comprend donc que pour changer les choses, il faut rependre le contrôle et se redonner du pouvoir.
C'est aussi prendre ses responsabilités. Être en relation, c'est s'impliquer activement dans un échange avec l'autre. C'est parler honnêtement et écouter attentivement pour éviter les malentendus et le retour dans le cercle vicieux de l'apitoiement et du rejet. Être en relation demande un investissement de soi et du travail. Il y a peu de place pour la passivité.
Il faut aussi apprendre à exister sans le regard de l'autre. Et cela passe par une bonne connaissance de soi. On doit apprendre à reconnaître nos forces et nos faiblesses, à s'accepter tel qu'on est. Peur du rejet et estime de soi sont intimement liées. Vaincre la peur du rejet est donc un processus long et profond.
Dans le couple
Inutile de dire que la peur du rejet peut être un frein immense au développement de relations amoureuses. Et lorsqu'une relation s'établit, la dynamique peut être déstabilisante pour la personne qui possède une estime de soi saine. Le moindre retard, le moindre commentaire est interprété comme du rejet. Le partenaire qui se sent rejeté a constamment besoin d'être rassuré sur les sentiments de l'autre. Ce n'est pas de tout repos. Et l'attitude à suivre n'est pas simple. Il faut à la fois rassurer notre partenaire sur sa capacité à se faire aimer par nous et les autres sans toutefois tomber dans la complaisance. En faire trop dans le but de calmer le doute renforce le comportement de notre partenaire et le place dans une situation de dépendance par rapport à nous.
Pour poursuivre la réflexion :
- Les 5 blessures qui empêchent d'être soi-même, Lise Boubeau
- Revivre : éprouver nos blessures et nos ressources, Frédéric Worms
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