L'anxiété en soi n'est pas mauvaise. Loin de là. L'anxiété est universelle. Elle sonne l'alarme et nous prévient du danger. Elle nous rend plus prudents et vigilants. Elle est essentielle à notre survie.
Cependant, certaines personnes ressentent une anxiété dite « anormale » dans des situations précises. Leur anxiété n'est pas le fruit d'un délire. Elle est la réaction disproportionnée à une « menace » amplifiée. On parle d'anxiété anormale quand notre mécanisme de défense se met en marche trop souvent, dans des circonstances qui ne le requièrent pas.
L'anxiété face aux autres
En société, les autres peuvent être source d'anxiété. On a tous, à différents niveaux, peur d'être jugés. On essaie souvent d'imaginer ce que les autres vont penser de nous. On peut parfois s'imaginer le pire. Certaines situations semblent être anxiogènes pour la majorité d'entre nous : parler en public, passer une entrevue pour un emploi. Le trac et la timidité sont des formes d'anxiété causée par la présence des autres. On rougit, on tremble ou on perd le fil de nos idées. Bien que nous préférions éviter ces situations, notre anxiété face à celles-ci est normale.
La « peur des autres »
Que faire quand les autres deviennent une menace? Quand l'idée de rencontrer de nouvelles personnes nous terrorise? Quand la peur d'être jugé nous pousse à limiter au maximum nos contacts sociaux?
Trouble d'anxiété sociale
Si on évite systématiquement les situations redoutées et que celles-ci provoquent une anxiété forte, que le regard des autres est un problème, on souffre d'un trouble d'anxiété sociale.D'après une étude menée auprès de 8 000 Canadiens, près de 13 % de la population serait aux prises avec cette forme d'anxiété. Les femmes en sont plus souvent victimes. Souffrir d'un trouble d'anxiété sociale signifie qu'on a au moins trois fois plus de chance de faire une dépression. Cela signifie également qu'on risque davantage d'être au chômage ou d'avoir besoin d'un arrêt de travail et qu'on consomme probablement plus de substances qui calment l'anxiété, telles que l'alcool.
Phobie sociale
Le trouble d'anxiété sociale, ou phobie sociale, est donc plus répandu qu'on pourrait le penser. Tchaïkovski en aurait souffert. La phobie sociale est souvent associée à un ou plusieurs types de situations bien précises dans lesquelles la personne est exposée au regard et aux jugements des autres, qu'ils soient des étrangers ou non.
Le trouble de la personnalité évitante
Ce trouble est plus insidieux. La personne vit dans une crainte permanente d'être jugée, rejetée, et ce, dans toutes circonstances. Elle est aux prises avec une estime de soi très déficiente et vit dans la peur que sa « nullité » soit découverte. Elle ne s'investira pas dans une relation à moins d'être certaine d'être aimée et acceptée. Elle est dans un grave état de dépendance par rapport à ses proches qui deviennent une sorte de refuge. Elle limite ses interactions à un réseau très limité de connaissances et de situations familières. Ces personnes auront peur, par exemple, de demander où sont les toilettes publiques ou d'appeler une entreprise ou un commerce pour prendre des renseignements. Elles vivent une peur profonde et constante de ne pas être aimée..
Les causes de la phobie sociale
Il y a des prédispositions génétiques qui affectent notre façon de réagir au regard des autres. Mais l'éducation y est évidemment pour quelque chose. Des parents exigeants, méprisants auront un effet certain sur l'estime de soi. Les parents surprotecteurs, qui apprennent à leur enfant à se méfier des gens, nourrissent également la crainte des « autres ». Il y a aussi les parents, soucieux de leur image, qui inculquent l'idée que le paraître est très important.
Les enfants et les troubles d'anxiété sociale
Est-il nécessaire de dire que les enfants victimes de taxage, les boucs émissaires et « rejets » des cours d'école ont de fortes chances de développer une phobie sociale? Encore mal connue et peu diagnostiquée, la phobie sociale serait responsable de nombreux échecs scolaires. La peur paralysante de prendre la parole devant la classe, d'être questionné devant ses pairs ou même de se trouver en classe nuit à l'écoute, la concentration et l'apprentissage. Il est donc important de porter attention aux aptitudes sociales de notre enfant et de l'aider à surmonter sa timidité et ses peurs si on sent qu'elles l'empêchent de se mêler aux autres et de progresser.
Comment surmonter nos peurs
Qu'on soit simplement un grand timide ou victime d'une phobie sociale, on est conscient que notre peur et notre anxiété ne sont pas partagées par tous et que nous avons un problème. C'est déjà un grand pas vers le mieux-être.
Dans les cas moins aigus, quand la peur du jugement nous assaille, il suffit parfois de renverser la situation et de se demander si nous jugerions l'autre aussi sévèrement qu'on se croit être jugé. Si l'idée même d'être jugé nous déplaît, il faut se rappeler que nous jugeons les autres nous aussi et que cela n'est pas nécessairement négatif. Juger, c'est faire preuve de jugement. Pour choisir nos amis, nos partenaires, nos collègues, nous devons juger les gens qui nous entourent en fonction de leurs paroles et leurs gestes. Juger n'est pas condamner.
D'autres petits trucs pour nous aider à surmonter nos craintes :
- Prendre conscience des idées préconçues et des pensées automatiques qui nous assaillent dans les situations qui nous causent de l'anxiété. Nous tenons souvent un discours intérieur fort peu élogieux à notre endroit.
- Identifier nos forces et nos faiblesses en terme d'interactions sociales et chercher à nous améliorer.
- Se fixer des buts afin de progresser. Pour gonfler un peu notre estime de soi, on débute par de petits défis et on progresse lentement vers des situations qui sont plus difficiles pour nous.
En cas de phobie sociale sévère, une thérapie avec un spécialiste est à envisager. Parfois, la prise de médicament est recommandée.
Pour poursuivre sa réflexion :
- La peur des autres : trac, timidité et phobie sociale, de Christophe André et Patrick Légeron. Éditions Odile Jacob.
- Comment vaincre ces peurs qui vous paralysent : guide de survie pour reconnaître les phobies sociales les plus courantes et découvrir les clefs pour les combattre de Francisco Gavilan. Éditions de la Lagune.
- Approcher les autres, est-ce si difficile? d'Isabelle Nazare-Aga. Éditions de l'Homme.
Caroline Bouffard, rédactrice Canal Vie