Être enceinte durant la crise actuelle liée à la COVID-19, ce n’est vraiment pas facile. Mais… que se passe t-il quand vient le temps d’accoucher et de ramener un bébé tout neuf à la maison?
Ce que l’on sait
Comme pour ce qui est lié à la transmission de ce nouveau virus, il est impossible d’émettre des conclusions précises à l’heure actuelle sur la possible contamination d’une mère à son enfant in utero. Seule une petite étude menée en Chine auprès de mères infectées a suggéré que la transmission du virus ne se ferait probablement pas à leur foetus.
Toutefois, il y a eu des cas de nouveau-nés qui ont reçu un test positif à la COVID-19 a aussi peu que 2 jours de vie, démontrant que oui, les tout nouveaux bébés ne sont pas épargnés par la maladie. Toutefois, les jeunes enfants, incluant les bébés, comptent pour un très petit nombre de cas, comparé aux autres groupes d’âge. Au Canada par exemple, depuis le début de la crise le mois dernier, seulement deux jeunes enfants (moins de 2 ans) ont reçu un diagnostic de COVID-19. Dans la très grande majorité des cas, les symptômes chez les enfants, même les plus jeunes, sont légers, voire très légers.
Comme pour tous les groupes d’âge, l’infection n’est pourtant à prendre à la légère… Il y a malheureusement eu 3 décès de bébés de moins d’un an rapportés à cause de la maladie depuis janvier: 1 en Chine et 2 aux États-Unis.
Les mesures durant l’accouchement
Un accouchement est toujours un moment incroyablement intense et rempli d’émotions… Y ajouter le stress d’attraper (ou de transmettre) la maladie peut rendre le tout intolérable.
À certains endroits où les hôpitaux sont complètement surchargés, par exemple à New York, une directive a été émise à l’effet de ne pas permettre aux femmes qui accouchent d’avoir des accompagnateurs. Devant l’outrage général, la directive a été modifiée, mais seulement pour admettre l’autre parent.
Au Québec, seul l’Hôpital juif a également émis une telle directive –tout en permettant aux femmes de changer d’hôpital pour leur accouchement si elles le désirent (il est probable qu’elle le feront toutes!)
Mais même dans les autres hôpitaux, un accouchement durant la pandémie ne se déroule pas «comme d’habitude». Seul le conjoint (ou l’autre parent) pourra accompagner la femme qui accouche. D’autres options ne sont également plus possibles, comme de se promener pendant le travail. Même après l’accouchement, les parents ne sont pas autorisés à sortir de la chambre pendant tout leur séjour. Finalement, aucune visite ne pourra être admise.
On ne souhaite pas à personne, mais si le conjoint développe des symptômes de la maladie peu avant l’accouchement, il ne pourra être admis à l’hôpital ou la maison de naissance. La perspective d’accoucher seule, bien qu’elle correspondait à la norme il y a 50 ans à peine, semble aujourd’hui particulièrement inhumaine…
À titre de comparaison, la situation est bien pire en Grande-Bretagne, où la crise frappe plus fort qu’ici. Plusieurs hôpitaux ne permettent pas à l’autre parent d’être présent durant l’accouchement, différentes maternités sont menacées de fermer dû au manque de personnel (souvent malade) et une sage-femme est décédée au début du mois d’avril. Helen, 28 ans, qui a accouché de son 2e enfant à Londres à la fin-mars, a confié au média britannique The Guardian que «c’est difficile de réaliser à quel point ton partenaire te manque, physiquement et mentalement, jusqu’au moment où il ne peut être présent à tes côtés». Même si ce n’était vraiment pas l’accouchement qu’elle avait en tête, elle croit pourtant que l’expérience lui a permis de découvrir une force intérieure qu’elle ne soupçonnait pas. «Ça m’a donné un respect très profond pour toutes ces femmes qui l’ont vécu ainsi à travers l’Histoire,» a-t-elle ajouté.
Pour tout lire sur la COVID-19, c'est ici.
Le témoignage de femmes d’ici
Plus près de nous, Vanessa-May, 33 ans, de Longueuil, a eu l’impression d’accoucher «juste au bon moment» de son 3e enfant, soit le 11 mars. Tout s’est bien déroulé, mais le lendemain, quand elle a «reçu un courriel de la commission scolaire disant qu’ils fermaient les écoles le lendemain, je me souviens d’avoir été surprise. On était rendus là? C’était grave à ce point?»
Mélanie, 32 ans, de Montréal, a quant à elle accouché fin mars d’une petite fille prématurée, née à 33 semaines. Son accouchement par césarienne d’urgence s’est bien passé (dans les circonstances!), bien qu’elle ait trouvé que les consignes variaient d’un jour à l’autre et même d’un membre du personnel à l’autre. «Le premier jour, mon conjoint s’était fait dire qu’il ne pouvait rester à mon chevet, mais finalement le lendemain il a pu…»
La fille de Mélanie est ensuite restée 3 semaines au service de néonatalogie, où ils ont vu les mesures changer au fil du temps. «Au début, il fallait uniquement se laver les mains, soit le protocole habituel. Au bout de quelques jours, le service a commencé à prendre des mesures beaucoup plus strictes : un seul parent à la fois, port du masque, lavage intensif des mains…»
Mélanie a même développé des symptômes de la COVID-19 –on peut imaginer l’inquiétude des nouveaux parents! En attente du résultat du test, ni elle ni son conjoint n’ont eu le droit de visiter la petite. Finalement, le test était négatif : Mélanie a plutôt fait une mastite, dont les symptômes sont étonnamment similaires à ceux liés au coronavirus.
L’après – la vie avec le nouveau bébé
Durant le confinement –et même après-, tant que la société va continuer à naviguer autour de ce virus en l’attente d’un vaccin, le retour à la maison non plus ne sera pas tout à fait «comme d’habitude».
Mélissa, 30 ans, de Sherbrooke, a eu son premier enfant peu avant le confinement. «Ce que la Covid-19 a changé pour moi est le retour à la maison. Au tout début, je ne voulais pas nécessairement sortir et avoir beaucoup de visites pour pouvoir me rétablir, me reposer et surtout nous habituer à notre nouveau rythme de vie avec un nouveau-né. Puis, les nouvelles mesures ont été mises en place et personne n’a pu venir, même pas ma mère, de qui je suis très proche, étant donné qu’elle avait la grippe lorsque j’ai accouché! C’est ce qui m’attriste le plus, dans tout ça, que ma maman n'ait pas pu prendre mon bébé encore...»
«Il y a aussi l’isolement. Personne pour prendre le relais à part mon copain qui se sent démuni quand bébé pleure et qu'il ne peut pas le consoler. Mais aussi personne à qui montrer mon bébé dont je suis si fière de voir grandir et évoluer! Pourtant, je me compte vraiment chanceuse d'être en 2020 et d'avoir accès à plein les technologies, dont les appels vidéo!»
Mélanie, qui est d’origine française, devait recevoir sa famille après la naissance de bébé, mais évidemment, tous ces plans ont été annulés. «Le plus dur est de ne pouvoir avoir l'aide de la famille et des amis -tâches ménagères, s'occuper un peu de bébé pendant que l'on se repose. Il faut être plus organisé pour faire les courses à la pharmacie... Malgré les beaux jours qui arrivent, nous appréhendons beaucoup les premières sorties de bébé (qui, étant prématurée, demeure particulièrement fragile)».
Vanessa-May : «Finalement, je n’ai eu le temps de recevoir qu’une seule visite : celle d’une amie qui est venue reconduire ma mère, qui arrivait de Sept-Îles. Ma mère est d’ailleurs restée avec nous depuis.»
«Ce qui est vraiment marquant pour nous dans ce temps de pandémie c'est bien évidemment le fait que personne de notre entourage, famille et amis, ont pu venir à la rencontre de notre beau garçon jusqu'à maintenant. Il a fêté son premier mois de vie la semaine dernière et je me souviens avoir eu cette réflexion... Personne à part nous n'a pu le voir en vrai, le cajoler, le bercer. Heureusement, il y a aussi Internet, les réseaux sociaux, les photographies échangées, les vidéos conférences... Mais qu'on se le dise, c'est loin d'être pareil, ça ne remplace pas ce contact humain. Avoir un enfant, c'est un événement si heureux! Tout ce que tu souhaites c'est de partager cette joie avec la famille et les amis, c'est de présenter avec fierté ton bébé à tout le monde.»
L’accompagnement des nouvelles mères
Mélissa : «Le volet accompagnement et suivi est vraiment différent de ce que j'avais prévu! Pas d'ostéopathe ni pour mon bébé ni pour moi, seulement des rendez-vous téléphoniques avec les professionnels de la santé, etc. J'ai même rencontré une spécialiste en allaitement par téléphone et je devais lui envoyer des vidéos et des photos (quelle expérience d’envoyer des photos de ses seins par courriel, haha!) Bref c'était assez compliqué puisqu'elle ne se fiait qu'aux vidéos et photos pour me conseiller et ce n'était pas tellement représentatif. Finalement, je m'en suis bien sortie avec quelques conseils et j’allaite encore!»