Une nouvelle vague de dénonciations portant sur des inconduites sexuelles de diverses natures déferle sur les réseaux sociaux depuis quelques semaines, soit principalement sur Instagram et sur Facebook.
Les dénonciations prennent différentes formes. Par moment, ce n’est qu’un nom qui est inscrit, d’autres fois, c’est un récit où l’agresseur est nommé, ou non, ou encore un échange au sujet des comportements qui se produisent au sein d’un milieu précis. Derrière ces différents types de dénonciations se trouvent diverses raisons. Mais elles sous-tendent tous les mêmes objectifs : qu’une prise de conscience ait lieu et que les comportements changent.
Mais pourquoi utiliser les réseaux sociaux, plutôt que de porter plainte à la police?
Pour briser l’isolement
Les victimes se retrouvent souvent seules avec leur histoire. Sur les réseaux sociaux, elles prennent conscience qu’elles sont nombreuses à être dans la même situation. De plus, l’effet de groupe aide à prendre la parole, à dénoncer, parfois timidement, parfois haut et fort.
Certains individus souhaitent bien sûr se rendre justice, en nommant l’agresseur, en voulant qu’il subisse les conséquences de ses gestes, mais dans la plupart des cas, les victimes ont besoin de réconfort, d’écoute et souhaitent surtout que des changements majeurs s’inscrivent dans le traitement des femmes.
Pour dénoncer de manière anonyme
Les réseaux sociaux permettent de s’ouvrir plus librement. On le voit dans toutes sortes de contexte et pas seulement lors de dénonciations. En se trouvant derrière un écran, la gêne et les barrières tombent; ce qui peut être négatif par moment, mais également positif d’autre fois. Entre autres, lorsque cela permet de trouver de l’aide, ainsi que d’apporter des changements concrets.
Pour que cesse la culture du silence grâce à l’effet de groupe
Le fait d’avoir accès à des témoignages sur les réseaux sociaux, cette fois-ci c’est Safia Nolin qui a amorcé ces dénonciations, ravive des souvenirs de plusieurs et donne envie à d’autres de prendre la parole. Un effet d’entrainement se produit. Une vague de dénonciation s’avère aussi une vague de solidarité. En même temps que l’on dénonce, on dit «moi aussi j’ai vécu la même chose, tu n’es pas seule».
Et alors que certaines personnes se questionnaient à savoir si c’était leur perception qui était erronée, elles réalisent qu’elles sont plusieurs à penser la même chose. Non, ces comportements ne sont pas tolérables ni acceptables; même si ,sur le moment on a ri, plutôt jaune, et que les autres aussi ont bien rigolé, même si l’on avait pris un verre de trop, même si... Il n'y a aucun «même si» qui excuse une inconduite sexuelle!
Alors qu’on était seule avec notre histoire, qu’on avait essayé de l’enfouir, on réalise que l’histoire se perpétue auprès des autres. Le silence et le fait de tenter d’oublier ne règlent rien. Seule la dénonciation peut faire évoluer les choses. Et ce, malgré la possibilité de représailles, car, effectivement, les gens qui dénoncent sur les réseaux sociaux peuvent être poursuivis pour diffamation.
Pour que cessent des comportements
Les gens dénoncent, car ils y trouvent du réconfort, une solidarité. Mais aussi, ils tentent d’y trouver des solutions.
Dans le milieu littéraire, un groupe Facebook privé s’est formé afin d’échanger sur des cas d’inconduites sexuelles dont plusieurs ont été victimes. Il semble que le dénominateur commun des différentes histoires se situe au niveau de l’abus de pouvoir. Puisque les dénonciations qui y sont faites ne sont pas publiques, l’objectif du groupe s’avère d’abord et avant tout d'offrir un lieu d’échange et d’écoute, mais également un lieu pour trouver des pistes de solution. D’ailleurs, une lettre a émergé de ce groupe et des demandes précises ont été faites afin que les différents acteurs du milieu littéraire soient protégés et éviter que des inconduites sexuelles s’y produise.
Pour dénoncer des gestes qui ne sont pas criminels, mais non tolérables
Alors que de nombreuses voix s’élèvent et qu’un questionnement a lieu par rapport aux dénonciations sur la place publique que sont les réseaux sociaux, il en ressort que de nombreux comportements ne sont pas criminels, mais ils ne sont pas acceptables pour autant.
Trop souvent, une zone grise subsiste, à travers une culture du silence.
Ce qui est drôle pour un individu provoquera un malaise chez un autre. Trop souvent, des comportements indésirables sont tolérés, car ils sont excusés : ah! Ce n’est pas si grave, il est comme ça, lui… De plus en plus, on prend conscience qu’il ne faut pas tolérer des commentaires ou des comportements à connotation sexuelle, qu’il n’est pas non plus normal d’avoir peur en de nombreuses circonstances.
Pour se faire justice en évitant la lourdeur du système judiciaire
Certaines personnes souhaitent se faire justice en dénonçant sur les médias sociaux n’osant pas se tourner vers le système judiciaire. Effectivement, plusieurs victimes n’osent pas porter plainte à la police étant donné la lourdeur du système. Il est vrai que du côté criminel, le fardeau de la preuve repose sur les épaules de la victime, ce fardeau qui est bien lourd à porter. En entamant un processus judiciaire, elles devront raconter leur histoire dans les moindres détails, et s’il y a un procès, elles se feront questionner par les avocats de la défense.
Malgré tout, les victimes doivent savoir qu’elles peuvent entamer un processus judiciaire, qu’elles y seront écoutées et respectées. Des équipes de policiers sont spécialisées dans les crimes à caractères sexuels et feront tout ce qui est en leur possible afin d’alléger le processus. Entre autres, dorénavant, la déclaration de la victime est enregistrée afin qu’elle n’ait pas à répéter son histoire à maintes reprises. S’il y a un procès, différentes mesures atténuantes peuvent être demandées au juge, par exemple de témoigner derrière un paravent afin de ne pas voir son agresseur ou encore avoir une personne de confiance avec soi.
De plus, il est essentiel que les victimes sachent qu’elles peuvent demander de l’aide, sans pour autant être dans l’obligation d’entamer des procédures juridiques. En tout temps, elles peuvent communiquer avec l'un des Centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractères sexuels (CALACS), ou le Centre d'aide aux victimes d'actes criminels (CAVAC). Il est aussi possible de téléphoner au 1-888-933-9007 afin d'obtenir de l'aide et des conseils.
Pour une prise de conscience globale au sein de la société
Peu importe les motifs qui mènent à une dénonciation et les actes qui y sont liés, cette nouvelle vague nous oblige à réfléchir : hommes, femmes, adolescents et adolescentes… Comment agissons-nous, que tolérons-nous? Fermons-nous les yeux par moment? Excusons-nous les comportements de certains? Est-ce normal d’avoir peur? Et surtout, comment devons-nous élever nos filles et nos garçons afin que ces comportements cessent?
Il en va du rôle de tout un chacun afin que des changements opèrent, tout autour de nous.
Sources: La Presse, Radio-Canada, Le Devoir