La peur est assurément l'un des pires fléaux de notre époque. Chaque jour, les médias font naître en nous l'inquiétude et l'anxiété - parfois même la terreur! - en relatant quelque fait anecdotique pour le moins troublant. Il y a quelques années, on accusait le poinsettia et le muguet d'être toxiques pour nos enfants. Cet été, c'est au tour de la grande berce d'être mise au banc des accusés. Devrait-on cesser de cultiver certaines plantes parce qu'elles sont soi-disant toxiques? Qu'en est-il vraiment?
Des cas très rares
Avant toute chose, voici quelques informations qui vont vous rassurer. Les cas d'empoisonnements mortels suite à une exposition à des plantes toxiques sont extrêmement rares en Amérique du Nord. En 2008, les Poison Control Centers aux États-Unis ont reçu 63 176 appels relatifs à des expositions à des plantes toxiques. Toutefois, il faut mentionner que seulement 67 de ces expositions résultèrent en un empoisonnement sévère et qu'il n'y a eu qu'un seul décès. Durant la même période, on a compté 39 empoisonnements sévères et 4 morts dus à l'ingestion de champignons toxiques ainsi que 181 cas d'empoisonnements sévères et 14 décès à la suite d'une exposition à des produits nettoyants domestiques. Dans les faits, cela veut dire qu'il y a beaucoup d'inquiétude au sein de la population concernant les plantes toxiques, mais très peu de cas d'empoisonnement réels. Soyez sans crainte, l'humanité ne sera pas anéantie par les plantes toxiques!
Poinsettia
Un cas très révélateur de cette peur - souvent non fondée - des plantes toxiques est le poinsettia (Euphorbia pulcherrima). On a longtemps cru que cette plante était très toxique pour les êtres humains. Une étude de l'Université d'Ohio démontre clairement qu'il n'en est rien. En fait, pour qu'un enfant ressente des malaises gastriques il faudrait qu'il ingère plus de 500 feuilles de poinsettia!
Grande berce
Ces dernières semaines, vous avez certainement entendu parler de la grande berce (Heracleum mantegazzianum), aussi appelée berce du Caucase ou Giant Hogweed en anglais. Aux dires des journalistes, la grande berce est une véritable calamité qui menace la sécurité nationale! Du pur terrorisme végétal! Rassurez-vous, la prédiction du groupe de rock progressif anglais Genesis, dans sa chanson The Return of the Giant Hogweed, n'est pas en voie de se réaliser; la grande berce ne menace pas la survie de la race humaine! Voici donc les faits concernant la grande berce.
Originaire de Géorgie et de Russie, la grande berce a été introduite en Amérique du Nord au début du 20e siècle comme plante d'ornement. Puisqu'elle s'est échappée des jardins, on la retrouve maintenant dans certains milieux naturels où elle peut parfois devenir envahissante et poser une certaine menace à la biodiversité, surtout lorsqu'elle forme des colonies denses. Elle a d'ailleurs été classée officiellement parmi les plantes envahissantes dans certains états américains ainsi qu'en Ontario et Colombie-Britannique. Mais on est toutefois encore bien loin de l'agressivité du roseau commun (Phragmites australis), cette grande graminée qui pousse dans les marais ainsi qu'aux abords nos lacs et de nos autoroutes!
La grande berce est une plante bisannuelle qui arbore d'immenses feuilles très découpées faisant près de 1,50 mètre de longueur. Ses larges inflorescences composées de minuscules fleurs blanches sont portées par de solides tiges creuses qui peuvent atteindre plus de 3 mètres de hauteur. Une fois sa floraison terminée, la grande berce produit des milliers de semences - plus de 10 000 graines par plant - qui se dispersent jusqu'à une distance de 8 à 10 mètres, ce qui la rend plutôt envahissante.
Éviter qu'elle se ressème
Afin d'éviter qu'elle se ressème, les jardiniers qui cultivent cette plante dans leur jardin devraient sans hésiter couper ses hampes florales dès sa floraison terminée. De plus, il est préférable de s'abstenir de la cultiver près d'un cours d'eau naturel pour empêcher la dispersion de ses semences sur de grandes distances.
La toxine
D'autre part, cette plante produit une toxine appelée furanocoumarine qui est présente dans sa sève. Lorsqu'on se frotte vigoureusement la peau sur les feuilles ou les tiges de cette plante, la toxine qu'elle dégage peut provoquer des rougeurs et des inflammations. Toutefois, la furanocoumarine est phototoxique, c'est-à-dire que si l'on n'expose pas à la lumière pendant quelques jours la peau qui est entrée en contact avec la sève, la réaction ne se déclenche tout simplement pas. À cause de ce phénomène, j'ai moi-même pu manipuler les feuilles de grande berce à mains nues à quelques reprises sans éprouver le moindre malaise. Toutefois, si vous devez couper, casser ou arracher la grande berce, ne courez pas de risques, enfilez des gants et portez des vêtements longs.
Herbe à la puce
Malheureusement, certaines autres plantes toxiques causent beaucoup plus de problèmes que la grande berce et sont pourtant tout à fait méconnues du public. L'herbe à la puce (Toxicodendron radicans) en est un excellent exemple. Au Canada, on la retrouve sous deux formes : l'une est buissonnante et n'atteint que 30 cm de hauteur alors que l'autre est grimpante. Ses feuilles vert tendre et lustrées sont composées de trois folioles ovales à bout pointu qui ressemblent beaucoup à celles de l'érable à Giguère (Acer negundo).
Attention! Ne touchez jamais cette plante à mains nues sans quoi vous subirez des irritations de la peau fort douloureuses et persistantes. Des rougeurs, cloques et enflures apparaissent généralement dans les 24 heures suivant le contact et peuvent persister pendant quelques semaines. Si vos vêtements ou vos outils ont touché la plante, il est préférable de vous en départir puisque l'huile responsable des irritations, le toxicodendrol, peut persister très longtemps sur les tissus et le bois.
Herbe à poux
Une autre plante qui cause de sérieux problèmes de santé à l'être humain est l'herbe à poux (Ambrosia artemisiifolia). On estime que plus de 600 000 Québécois souffriraient d'allergies respiratoires causées par le pollen de l'herbe à poux. De la fin de juillet jusqu'à la fin de septembre, lorsqu'elle fleurit et qu'elle largue son pollen, l'herbe à poux est responsable de milliers de cas d'allergies. Ses fleurs mâles produisent d'énormes quantités de pollen très léger que le vent peut transporter à une distance de plus de 200 kilomètres! Ce pollen entre en contact avec la muqueuse du nez des humains qui le respirent. Les personnes sensibles réagissent alors par des éternuements violents, et souffrent de congestion nasale, de démangeaison aux yeux et de larmoiements. Ces symptômes sont pénibles et souvent aggravés par l'angoisse de les voir revenir chaque année.
Bien qu'elle affecte de nombreuses personnes, il est plutôt étonnant de constater à quel point l'herbe à poux reste méconnue et que peu de gens savent l'identifier convenablement. On la confond très souvent avec l'herbe à la puce. Mais, contrairement à cette dernière, sachez qu'il n'est pas dangereux de toucher l'herbe à poux avec les mains nues. D'une hauteur très variable - certains plants font aussi peu que 20 cm, de hauteur alors que d'autres dépassent 1 mètre -, cette plante annuelle possède des feuilles caractéristiques de couleurs vert tendre qui sont finement découpées. Ses fleurs jaune verdâtre apparaissent durant l'été et sont réunies en masses au sommet des tiges. Bien qu'on puisse la retrouver dans les pelouses et les plates-bandes de nos jardins, l'herbe à poux a une nette préférence pour les sols pauvres et bouleversés, comme ceux des abords routiers, du pourtour des champs de maïs et des terrains vacants. Le meilleur moyen d'éliminer cette plante est encore de l'arracher. Elle doit être extraite du sol avec un sarcloir avant le début du mois d'août. Toutefois, on peut continuer à l'éliminer tant qu'elle fleurit. Il est à noter que les personnes allergiques peuvent sans crainte arracher ou tondre l'herbe à poux avant sa floraison. Par contre, dès que les premières fleurs de cette plante s'épanouissent, ces personnes devraient la fuir et éviter son contact.