Si la course à pied possède des vertus pour le corps et l'esprit qui ne sont plus à prouver, un phénomène très négatif peut malheureusement parfois apparaître : la déprime post-course. Une fois la ligne d'arrivée franchie, le coureur ressent alors un grand vide et l'euphorie laisse place à des symptômes dépressifs très concrets. Pour en savoir plus sur ce mal du coureur, Canal Vie Santé a demandé à Maxime Chevrier, consultant en psychologie sportive à la clinique de médecine sportive Axio de nous en dire plus.
C'est quoi la dépression post-course?
Maxime Chevrier : Tout d'abord, il est important de dire que d'un point de vue scientifique, la notion de «dépression post-course n'existe pas». C'est un abus de langage que d'utiliser le terme de dépression, car il ne s'agit pas exactement de ça. Il y a certes des symptômes qui sont similaires à la dépression majeure, mais il est préférable d'utiliser les expressions de déprime ou de blues post-course. Il n’est pas impossible qu’un coureur ait une dépression majeure suite à un marathon, mais il faut voir cela avec une approche bio-psycho-sociale et non uniquement en lien avec le marathon. Il faut être attentif aux symptômes et consulter s’ils perdurent dans le temps.
Pourquoi cette déprime apparaît-elle après une course?
La personne qui prépare une course à pied s'y prend généralement longtemps à l'avance et va s'entraîner intensément. Elle va investir beaucoup de temps pour la préparation, de l'argent parfois, elle va modifier son régime alimentaire quite à faire des sacrifices. Il arrive que dans la phase de préparation, le coureur fasse littéralement passer la course avant tout le reste et qu'il ne vive plus que pour ça. C'est le contraste entre cette intensité et la sensation de vide une fois que la course est terminée qui peut créer le blues post-course.
Quels sont les symptômes?
Il y a des symptômes physiques, on peut avoir des nausées, des maux de cœur, mais aussi psychologiques comme le fait de ressentir un grand vide en soi. L’humeur est souvent basse et notre niveau d’énergie est généralement bas, mais c’est davantage pour des raisons psychologiques que physiques.
Quand a été identifiée cette déprime?
Dans le milieu de la course, on en parle depuis «toujours», toutefois pour certains c’était un mythe, pour d’autres, un sujet tabou. De manière plus précise, on l'observe depuis une cinquantaine d'années, mais c'est seulement depuis les années 2000, grâce aux progrès des neurosciences qu'on est capable d'expliquer ce phénomène.
Qu'est-ce qui se passe concrètement dans le corps?
C'est dans le cerveau que tout se passe. Quand on court plus de 30 minutes, notre cerveau libère plusieurs neurotransmetteurs dont l'endorphine qui procure une sensation de plaisir, de bien-être. Quand on s'entraine régulièrement, il y a un surplus d'endorphine qui est produit et on habitue le corps à cette sensation agréable, il y a une forme de dépendance. Quand la course est finie et que le coureur cesse de s'entraîner, il y a donc une espèce de manque physique à ce neurotransmetteur, d'où l'apparition des symptômes de déprime post-course.
Combien de temps dure cette phase?
Cela dépend beaucoup de l'intensité de l'entraînement, de sa durée, mais ça va de quelques jours à plusieurs semaines selon les individus. Disons que la première semaine est la plus difficile. Si jamais ça dure après 14 jours, il est recommandé de consulter son médecin de famille dans un premier temps puis un psychologue sportif éventuellement.
Quels conseils donnez-vous pour éviter la déprime post-course?
Il est essentiel de planifier «l'après course». Il doit le plus possible «remplir» l'horaire du sportif et l’occuper. Il faut que le coureur se prévoie des activités agréables qui ne sont pas forcément des activités sportives. Ça peut évidemment être une course sur une petite distance, mais aussi des activités sociales non sportives comme voir ses amis ou aller au cinéma. Mais le plus important, c'est sûrement le travail que le coureur doit faire avant la course. Il s'agit pour lui de bien savoir pourquoi il court, quelle est sa motivation intrinsèque. S'il se met trop de pression avec la course, la phase post-course sera d'autant plus difficile à gérer.
Est-ce que les coureurs se mettent trop de pression?
Ça arrive oui, et c'est un phénomène qui est amplifié de nos jours par les réseaux sociaux. Les coureurs amateurs commencent par publier en ligne leurs premières courses et ils reçoivent généralement des bons commentaires, des encouragements. Mais au fur et à mesure qu'ils publient leurs courses, ils se mettent sans s'en rendre compte une forme de pression en recherchant à nouveau une valorisation de la part des autres. Tous leurs contacts voient clairement le temps qu'ils ont mis et la distance parcourue et le coureur se sent alors parfois obligé de faire mieux, de se dépasser pour ne pas se faire juger. C'est évidemment très difficile si ses «performances» sont moins bonnes.
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