La première chose, c’est que je veux porter aucun jugement. Comme toujours, je prends pour acquis que chacun fait du mieux qu’il peut avec la situation qu’il a.
La deuxième chose, c’est que je crois qu’il n’y a pas qu’une seule «bonne» décision, mais une bonne décision pour chacune des familles. Il y a tellement de facteurs qui entrent en ligne de compte : la situation familiale, la situation professionnelle, la personnalité et les besoins de l’enfant, l’état de santé des membres de la famille… Et même des facteurs aussi terre-à-terre que la situation géographique. Si je vivais encore au Saguenay (ma région natale), je n’aurais sûrement pas la même perspective que maintenant, alors que nous sommes en banlieue de Montréal, i.e. dans une région «chaude».
Je ne peux donc que donner ma propre perspective… Et vous demander la vôtre.
La situation de ma famille
La décision ne concerne que ma fille de 9 ans, qui est en 3e année. Mon fils, qui est en secondaire 1, terminera de toute façon son année à la maison, en apprentissage à distance. Bien que son parcours ne soit pas sans défis, au quotidien une certaine routine s’est installée et ça l’occupe à temps plein. Psychologiquement, il va plutôt bien, même s’il nous a dit que la solitude est parfois lourde –comme pour nous tous, je crois. Contrairement à ma fille, il a un téléphone (qu’ironiquement, nous lui avions offert en prévision d’un voyage scolaire à Chicago pour Pâques, événement tant attendu qui a finalement été annulé). Ceci lui permet quand même d’être en contact avec ses camarades de classe; il communique également avec ses amis de toujours par le biais des jeux vidéo. Moins fantastique que des vrais contacts sociaux, mais dans les circonstances ça semble «faire la job».
Ma fille s’ennuie plus, au jour le jour. Je lui ai aussi établi un petit «programme scolaire» avec des activités à réaliser quotidiennement, mais comme je dois travailler à temps plein (et papa, qui a établi son bureau dans la salle à dîner, aussi) et qu’elle n’est pas capable de travailler toute la journée de façon autonome, elle est parfois laissée à elle-même et n’est pas très stimulée. Ses amies et la routine de l’école lui manquent, c’est certain. Elle a jeté son dévolu sur Valentine, notre vieille chatte qui lui sert actuellement de meilleure amie/sœur/confidente fusionnelle et n’a jamais obtenu tant d’attention. Comme tout bon félin, Valentine alterne entre adorer ça et me lancer des regards d’au secours de temps en temps! Académiquement, ma fille réussit bien et n’est pas en danger pour son éventuel retour.
Mes pour
Mon premier réflexe face à l’annonce de la réouverture de l’école, ça a été la peur –comme pour beaucoup de parents je pense. La transition entre se faire dire qu’il fallait le plus possible «éviter les contacts avec tout le monde» puis «envoyer ses enfants à temps plein avec des centaines d’autres» m’a paru très rapide.
Mais comme il s’agit d’un exercice qu’on va tous devoir faire, j’ai essayé de commencer à me «déprogrammer» et de laisser parler mon côté plus rationnel. Évidemment, la réouverture des écoles (comme la réouverture de n’importe quel milieu) correspond à un risque accru de transmission du virus. Mais cela ne signifie pas non plus qu’il y a un danger imminent, ou encore que des éclosions se produiront partout (au moins quelques-unes sont possiblement à prévoir, par contre).
Je comprends aussi qu’en septembre, la situation sera la même et que nous ne serons pas plus avancés. Je vois certainement des avantages à cette réouverture, et ce même en dehors des exigences professionnelles et financières bien réelles que vivent de nombreux parents! Ne serait-ce que de permettre aux enfants de boucler la boucle –la fermeture ayant été si chaotique et soudaine- et de le voir comme une «pratique» collective pour le véritable défi, qui se présentera à l’automne.
Je conçois également qu’il va falloir retourner un jour; la perspective d’être confinés jusqu’en 2022 ne semble pas faire beaucoup d’adeptes, en ce moment.
Et mes contre
Depuis le début de cette crise, je me suis largement retenue de donner mon opinion sur les réseaux sociaux et autres, essayant d’éviter l’effet de «gérant d’estrade». Je ne pense pas que je ferais mieux que les décideurs en ce moment; en fait, je ne voudrais surtout pas être à leur place, dans la mesure où il n’y a aucune solution idéale.
Sauf que donner mon point de vue, c’est exactement l’objet de cette chronique. Et que depuis le début de la pandémie, entres autres pour vous informer dans mes articles sur ce site, je suis beaucoup ce qui se fait et ce qui se passe ailleurs dans le monde, autant en Asie, qu’en Europe, qu’au Canada anglais et qu’aux États-Unis. C’est l’un des paradoxes de la crise : enjeu global, effet (hyper) local.
Alors pour tout vous dire… Je trouve que cette réouverture arrive un peu tôt. Et elle me rend perplexe. D’abord, parce qu’aucune autre province canadienne ne va dans la même direction. Pas même disons le Manitoba, l’Ile-du-Prince-Edouard ou le Nouveau-Brunswick qui sont très, très peu touchées comparativement à nous.
Mais aussi parce que si on regarde nos voisins du Sud, qu’on pourrait croire plus enclins à rouvrir pour des raisons politiques, le portrait est identique à celui du reste du Canada. Aucun état américain ne compte rouvrir ses écoles! Même dans le plan de certains états qui à mon avis reprennent les activités beaucoup trop vite, comme la Géorgie et le Tennessee, les écoles demeurent fermées, au moins jusqu’à l’automne[1]. Pourtant, certains d'entre eux ont à la fois une densité de population bien moindre que la nôtre et sont beaucoup moins affectés. Alors que Montréal est non seulement l'épicentre canadien, mais aussi un des plus importants en Amérique du Nord.
Il est vrai qu’en Europe, les écoles commencent à rouvrir ou sont sur le point de le faire. Mais leur situation ne peut pas se comparer avec celle ici. Ils ont 3, voir 4 semaines d’avance sur nous dans l’évolution de la pandémie. Quand on regarde leurs fameuses courbes, on constate qu’elles sont franchement à la baisse, depuis plusieurs semaines, voire un bon mois. Nos courbes sont complètement différentes : nous sommes encore dans le pic. Ni les décès, ni les nouveaux cas officiels ne réduisent encore, malgré le fait que nous sommes dans la 8e semaine de confinement. En Europe, ces quelques semaines d’avance ont permis de constater un phénomène rare, mais inquiétant : la hausse marquée des cas de maladie de Kawasaki chez les enfants. Le lien avec la COVID-19 vient tout juste d’être confirmé et les médecins affirment qu’il s’agit d’une réaction «post-infectieuse», c’est-à-dire qui survient de manière différée, soit plusieurs semaines après un contact avec le virus[2].
Pour tout lire sur la COVID-19, c'est ici.
Notre décision
Après mûre réflexion, nous avons finalement décidé que ma fille ne retournerait pas à l’école avant la prochaine rentrée.
Principalement pour deux raisons, qui ont fait pencher la balance et qui finalement n’ont pas tant à voir avec ce que je viens d’expliquer.
La première, c’est que bien que mes enfants soient en parfaite santé, j’ai quelques petits extras, des facteurs de risque invisibles qui ne changent pas grand-chose à mon quotidien… Mais me rendent plus susceptible de développer des complications liées à la COVID-19.
La deuxième, c’est que travaillant à la maison, contrairement à beaucoup d’autres parents, j’ai le choix. Je choisis donc de laisser notre place, pour alléger le casse-tête que doit vivre notre école (mais aussi toutes les écoles) en ce moment. Si quelques autres parents de la classe font de même, ça pourrait éviter que les enfants se retrouvent dans de nouveaux groupes, un nouveau local, avec un nouveau titulaire… Pour en avoir jasé aussi avec quelques enseignantes autour de moi, ça pourrait peut-être également permettre à la nôtre de mieux dormir et d’être moins craintive face à ce grand inconnu qui l’attend.
Ma fille est en paix avec cette décision. Elle s’ennuie de l’école oui, mais elle comprend aussi que ces quelques semaines de retour ne ressembleraient pas tant à ce qu’elle considère comme «normal». Elle a demandé à ses meilleures amies et ces dernières ne retournent pas, non plus. Elle a donc décidé de profiter du fait de pouvoir se lever et se coucher tard un peu plus longtemps.
Somme toute, nous sommes bien, en famille à la maison. Mon conjoint, pour qui le télé-travail est entièrement possible, n’est probablement pas près de retourner tous les jours au centre-ville. Bien sûr que la « vie normale » nous manque, mais je ne suis pas tant pressée de quitter notre cocon, particulièrement en l’absence de remède ou de solution à cette crise à court ou à moyen terme.
C’est ma décision, #àmafaçon, et ça n’a pas besoin d’être la vôtre. ❤️
Et maintenant, quelle est votre perspective, quels sont vos propres déchirements, quelle est votre décision?
[2] Source
[3] Source (en anglais)
[4] Source (en anglais)
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