Des médecins de différentes disciplines demandent d’assouplir les consignes face aux enfants de 12 ans et moins, entre autres d’abolir la distanciation physique, dans une lettre ouverte adressée au premier ministre Legault. Dans cette lettre, ils rappellent que : les contacts entre enfants et les jeux libres sont essentiels pour assurer un bon développement socioaffectif et langagier. (…) En tant qu’experts de la santé des enfants, [ils demeurent] très préoccupés par leur développement à court et à long terme. »
Le déconfinement en respectant une distance de 2 mètres, possible ou impossible?
Le confinement n’a pas toujours été évident pour les enfants. Ils ont quitté leur école de manière inattendue, ils ont été privés de leurs amis et de leurs activités. Mais une nouvelle routine s’est établie. La vie s’est organisée devant une consigne simple : on reste à la maison.
Toutefois, lorsque le déconfinement s’est amorcé, un niveau de complexité s’y est ajouté. La distanciation de deux mètres entre enfants, est-ce réaliste? Possible?
Comme adulte, mes repères se sont modifiés, tout comme ma spontanéité. J’avais l’impression de m’éteindre. Être loin de ceux qu’on aime est une chose, par exemple lors d’un voyage, les regarder de loin en est une autre, difficilement acceptable pour notre cerveau. En regardant mes filles, j’observais que l’impact chez elles était encore plus grand, la douleur, également. Je me suis demandé s’il était préférable qu’elles voient leurs amies sans les approcher ou plutôt d’attendre encore un peu… en espérant que la règle du 2 mètres finisse par disparaitre, que le temps fasse son œuvre. Évidemment, ce questionnement a eu un impact dans ma réflexion par rapport à un retour possible à l’école.
Je pensais également aux tout-petits qui allaient être entourés de personnes avec masques et visières. De quelle façon leur cerveau allait-il se développer? Verraient-ils plus loin que ce matériel de protection ou resteraient-ils marqués? Seraient-ils toujours méfiants de l’autre? Un monde sans partage d’objets et de jouets, sans le moindre câlin, où l’on ne peut même pas se lancer un ballon; n’est pas un monde dans lequel on souhaite grandir… Bref, les interrogations étaient nombreuses et surtout sans réponse.
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Une distance difficile à faire respecter
En discutant avec plusieurs enseignantes et éducatrices, elles m’ont confirmé qu’il était pénible de répéter incessamment cette consigne. Comme si la vie était dorénavant régie par le fameux 2 mètres. Cependant, tranquillement, le quotidien s’est structuré et des jeux ont été trouvés pour conserver une certaine distance. Le plaisir d’être entouré d’amis a surpassé la problématique de la distance… Et petit à petit, la distance s’est amoindrie, dans la plupart des établissements.
Car la réalité nous livre un constat que l’on savait déjà : on ne peut véritablement aider l’autre en conservant ses distances; on ne peut consoler l’autre, on ne peut apprendre le partage, on ne peut développer de l’empathie, en demeurant loin les uns des autres. Car la distance physique impose une distance psychologique, même si on tente par tous les moyens de faire autrement. On le sait, on le sent, même nous, les adultes. C’est entre autres pour cette raison que l’on craque tous, à tour de rôle.
Dans les écoles, les règles s’assouplissent de plus en plus. Néanmoins, cela varie d’un établissement à l’autre, d’un enseignant à l’autre. Veut-on apprendre dans le plaisir, ou réglementer les enfants avec une consigne qu’ils ne peuvent respecter en tout temps? Lorsqu’un enfant éclate en sanglots, car il n’en peut plus de rester loin de ceux qu’il aime, qu’est-ce que l’on fait?
Au sein des familles, on observe la même chose. Les règles strictes tendent à disparaitre, car entendre ses enfants rire avec des amis, ça fait un bien immense. Allons-nous briser leur jeu pour leur rappeler qu’ils doivent s’éloigner les uns des autres? On se livre mentalement à un autre questionnaire, à soupeser les risques. Et de plus en plus, la fatigue mentale s’installe. Peut-on laisser les enfants être tout simplement des enfants?
Les constats :
Les enfants sont de faibles vecteurs de transmission
Évidemment, la santé du plus grand nombre demeure la priorité. Cependant, les mesures draconiennes sont-elles nécessaires envers les enfants?
Les dernières études, ainsi que les récentes données permettent de prendre un certain recul et de réévaluer la situation. Dans la lettre ouverte, les médecins mentionnent : « Notre expérience clinique et celle de nos collègues du monde entier nous amènent à constater que les enfants sont majoritairement épargnés par le virus. Ils attrapent peu la maladie et souffrent rarement de ses formes sérieuses. (…) Les données nous montrent qu’il y a actuellement très peu de transmission des enfants vers les adultes, et donc peu de conséquences sur la santé de la population. »
La réouverture des écoles et des garderies à travers le Québec démontre qu’effectivement, les éclosions du coronavirus s’avèrent rares.
La transmission par les objets semble peu probable
De plus, présentement, on interdit tout partage de matériel, dans les écoles, comme dans les garderies. Pourtant, les médecins signataires de la lettre ajoutent qu’« à ce jour, la transmission du virus par objets contaminés reste mal décrite, alors que c’est le lavage des mains fréquent qui est déterminant ». La désinfection de manière répétitive et incessante, de tout espace et matériel utilisés par les enfants, ne serait donc pas essentielle. Les petits pourraient, sans problème, jouer avec les mêmes poupées ou avec le même ballon s’ils prennent le temps de se laver les mains de manière régulière.
Un assouplissement des mesures pour les jeunes de 12 ans et moins
À la lueur de ces informations, les pédiatres demandent au gouvernement de remettre les enfants au centre de ses priorités et d’assouplir les règles qui les concernent. De cette manière, les exigences envers eux seront les mêmes, peu importe l’endroit : dans les différentes écoles, dans les camps de jour, tout comme dans nos familles.
Ils souhaitent :
- que la règle de distanciation de 2 mètres soit levée pour les enfants de 12 ans et moins;
- que le port du masque ne soit pas requis pour les enfants de 12 ans et moins;
- que des lunettes de protection soient fournies sur le terrain (plutôt que des visières), ainsi que des masques transparents permettant aux enfants de voir les sourires et les lèvres des adultes;
- que toutes les activités sportives individuelles ou en groupe pour les enfants et adolescents reprennent dès que possible;
- que l’utilisation du matériel éducatif et le partage des jouets soient de nouveau permis, sans nécessité de désinfection entre chaque usage.
Bien sûr, on doit demeurer prudent face au coronavirus. Mais, on doit aussi laisser les enfants être des enfants; les laisser être en interaction avec les autres, leur permettre de retrouver leur spontanéité, leur permettre de vivre, au-delà de la COVID-19. Pour leur bien-être, mais aussi pour celui de tous ceux qui les entourent.