Les trousses pédagogiques du ministère de l'Éducation et de l'enseignement supérieur (MÉES) nous ont été envoyées le 6 avril en fin de journée. Celles-ci devaient venir en complément de la plateforme web L'école ouverte. J’avais bien hâte d'en voir le contenu, savoir si cela nous donnerait une certaine orientation, un coup de main significatif. Je les ai regardées attentivement avec mes 4 filles. Le verdict? Probablement que dans un mois, ça sera super! Pour l’instant, je dirais que... trop, c’est comme pas assez!
Le long voyage des trousses pédagogiques
Il faut savoir que les trousses pédagogiques sont conçues par le MÉES en collaboration avec différents acteurs du domaine de l’éducation. Le jeudi, elles sont envoyées aux commissions scolaires qui les acheminent aux écoles. Les directions d’école les envoient ensuite aux professeurs des différents niveaux. Ceux-ci la regardent, la modifient s’il y a lieu pour l’adapter à ce qui a été vu en classe et la bonifient, bonification qui varie d’un enseignant à l’autre, car pour l’instant, il n’y a pas de consignes claires à cet effet. C’est donc laissé à la discrétion de chacun. Ensuite, la trousse repart vers les directions d’école qui doivent les faire parvenir aux parents par courriel ou en les plaçant tout simplement sur le site web de l’école le lundi en fin de journée. Un parent qui n’a pas accès à un ordinateur peut faire une demande pour la recevoir en version papier.
Une base pour tous les enfants à travers le Québec
C’est donc un processus laborieux et, à certains niveaux, le travail semble être fait en double. Je ne peux m’empêcher de penser qu’il y a quelques mois, on entendait plutôt le discours qu’il fallait redonner davantage de pouvoir aux écoles. C’est entre autres pour cette raison que les commissions scolaires ont été transformées en centres de service. Je comprends néanmoins l’idée d’assurer une certaine uniformité à la grandeur du Québec. Mais, pour l’uniformité, on repassera! Car, on n’a qu’à se promener sur les sites web des écoles à travers le Québec pour constater que les trousses sont très différentes, étant donné que la bonification qui peut varier énormément. À tout le moins, tous les enfants du Québec reçoivent une base qui touche à la plupart des matières. Ce qui n’est pas négatif en soi, mais est-ce que cette base simplifie la tâche des parents, motive les enfants? Aider, motiver certains enfants, peut-être; simplifier la vie des parents, non, pas du tout!
Dans la réalité, on s’en va où?
Ici, dans ma maisonnée, nos journées sont bien remplies. Mon conjoint et moi travaillons, ce qui est une chance en soi, mais ce qui fait en sorte que nos 4 filles doivent s’organiser entre elles, à tout le moins tout l’avant-midi. Les adolescentes dorment, les plus jeunes se chicanent! Bon, j’exagère, un peu, mais pas tant que ça! On a tout de même établi un certain horaire. Elles doivent lire, écrire et faire des exercices en mathématiques. Elles ont déjà été scolarisées «à la maison» lors d’un voyage d’un an, on reprend donc un peu la même routine... on essaie! Mais dans une maison, sans de nouveaux paysages au quotidien, sans découvertes, sans nos cahiers pédagogiques, sans une planification préétablie, il nous manque une direction à prendre.
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Pas de nouvelle matière, que des activités facultatives
J’espérais que la trousse pédagogique nous donnerait cette direction. Hé non! Puisqu’il n’y a pas de nouvelles matières à voir et que tout est facultatif, il n'y a pas d'objectifs définis. Il s’agit en fait que d’une liste d’activités de consolidation; des idées plutôt bonnes, mais des idées, on en avait déjà plein! Je pensais également qu’elle serait liée à la plateforme L’école ouverte, encore une fois, la réponse est non! Ce n’est qu’un autre outil parmi tant d’autres qui demandent du temps pour y voir plus clair.
Des activités similaires pour différents niveaux, mais pas toujours réalisables
La trousse a également été établie afin que les mêmes activités soient possibles pour différents niveaux scolaires, mais avec des difficultés différentes. Ce qui est une bonne idée, je fonctionnais régulièrement de cette manière lorsque j’ai scolarisé mes filles durant un an. Mais, ceux qui ont développé certaines activités n’ont assurément pas 4 enfants! En effet, cette semaine, la trousse proposait un bingo mathématique. Avec un enfant, du primaire, ça va, avec deux, aussi! Mais, pour jumeler le primaire et le secondaire… ouf, j’ai déjà mal à la tête! Un long moment m’aurait été nécessaire pour préparer le tout, et ce «jeu» n’était pas du tout une option pour ma fille de 14 ans. Elle aurait dû résoudre une expression algébrique afin de trouver la réponse associée à une lettre qu’elle aurait préalablement placée sur sa carte. Aussi bien faire des exercices pendant une trentaine de minutes et ensuite, jouer à n’importe quel autre jeu qui lui tente vraiment! Pas fou, comme idée!
Trop, c’est comme pas assez
Cette semaine, avec cette trousse, j’ai un peu fait une surdose d’informations. Depuis le début de la période de confinement, nous sommes bombardés d’offres sur nos écrans : les musées et les spectacles virtuels, les maisons d’édition qui proposent des activités associées aux cahiers pédagogiques, les livres en version numérique, des documentaires... C’est vraiment extraordinaire, mais c’est beaucoup et cela demande une certaine planification afin qu’on ne passe pas nos journées devant un écran.
Les commissions scolaires ont pour leur part développé des plateformes web, ensuite le MÉES nous a proposé L’école ouverte, puis enfin, une trousse pédagogique. Dès le 13 avril, nous aurons en plus une programmation spéciale de Télé-Québec avec une dictée en direct pour les élèves du primaire et des ateliers d’écriture créative inspirés du slam pour les ados!
Ça en fait beaucoup!
Et pourtant, d'un autre côté, mes filles attendaient des nouvelles de leurs professeurs. Car à l’opposé du déferlement d’informations sur le web, les écoles publiques sont demeurées silencieuses pendant de longues journées, près de 2 semaines du côté du primaire et 3 semaines du côté du secondaire. Ayant des amies enseignantes, je sais qu’il n’y avait pas là de la mauvaise volonté, mais plutôt, qu’elles ne savaient pas sur quel pied danser. Il semble que les directives changeaient à tout moment et émanaient de bien plus haut… Comme si le navire était trop gros et que le capitaine était bien trop loin pour que la communication s'établisse clairement jusqu’aux moussaillons. Au même moment, le privé se structurait en un rien de temps et envoyait des plans détaillés à ses élèves.
Une situation jamais vue, une adaptation à tous les niveaux
Évidemment, la situation n'a jamais été vue ni vécue auparavant. Pour notre gouvernement, pour le MÉES, pour les enseignants, pour les enfants… il ne faut donc pas porter de jugement trop hâtif sur les initiatives prises ici et là.
Toutefois, ce que je réalise à travers cette période de confinement, c’est que le contact avec les profs est précieux. Je vois le regard de mes deux plus jeunes s’illuminer lorsqu’elles reçoivent un message de leur part. Elles leur font confiance, c’est LEUR professeure. Du côté du secondaire, le lien est bien sûr différent. Malgré tout, je constate qu’elles sont contentes de recevoir un message d’un de leurs enseignants, ou d’avoir une rencontre en direct. Elles sont davantage motivées lorsque leur prof leur propose un projet que lorsqu’elles lisent la trousse du MÉES. Nous vivons la distanciation sociale, mais les profs conservent, au-delà de l’espace physique, une proximité particulière avec ces jeunes. Il ne faut pas l’oublier et leur faire confiance.
Et au-delà de la trousse… il faut peut-être se le rappeler, nous, les parents... non, nous ne sommes pas des professeurs, et certaines journées, je l’avoue, c’est un peu angoissant de penser à l’écart qui se creuse entre le public et le privé… mais rappelons-nous que nous sommes les meilleurs enseignants pour nos enfants, aujourd’hui et pour tous les autres jours de leur vie. Peut-être pas pour enseigner l’algèbre et des règles grammaticales, mais pour enseigner la vie…
Alors, la trousse? Je vais continuer à y jeter un œil, mais je privilégie les messages des profs de mes filles, en attendant que tous s'arriment davantage.