Cette semaine, une rentrée scolaire hors du commun se déroule un peu partout au Québec, hormis dans la communauté métropolitaine de Montréal (CMM). Selon les écoles, l’entrée se fait, soit en même temps pour tous les élèves, soit échelonnées sur une période de trois jours. Les appréhensions étaient nombreuses, du côté des parents, mais le bonheur était bien présent pour les enfants.
Enfin, du positif!
À la suite du premier matin de la rentrée scolaire en mode COVID-19, les commentaires positifs et élogieux face aux équipes-écoles étaient nombreux sur les médias sociaux. Étonnamment (ou non?!), les commentaires négatifs provenaient de ceux qui n’ont pas vécu cette rentrée, ceux qui jugent les parents qui envoient leurs enfants à l’école, comme s’ils les menaient à l’abattoir. C’est toujours ahurissant de lire de tels propos, alors que les gens ne savent pas à qui ils s’adressent et connaissent encore moins la réalité des autres.
Chose certaine, tous les parents se sont posé mille et une questions depuis les dernières semaines. Il n’y a personne dans mon entourage qui a pris cette décision à la légère. Les pour et les contre ont été pesés, certains parents travaillent à l’extérieur à temps plein, d’autres arrivent difficilement à concilier télétravail et scolarisation de leur marmaille. Mais, au-delà de la réalité propre à chaque famille, il y a les besoins des enfants qui dépassent ceux d’ordre pédagogique. Il ne faut pas l’oublier! Ils sont plusieurs à attendre avec impatience de retrouver leurs amis, de reprendre un semblant de vie… Bref, les dernières semaines n’ont pas été de tout repos pour les parents du Québec.
Une larme en fin de journée
Pour Karine, elle-même enseignante au secondaire, elle ne pouvait concevoir que sa fille de 10 ans retournerait à l’école seulement en septembre. 6 mois, c’est long lorsqu’on n’a ni projets ni objectifs spécifiques. Les enfants ont indéniablement besoin d’un cadre, d’une structure.
Alice a donc pris le chemin de l’école lundi matin, en Montérégie, mais tous près de l'Estrie, où il n’y avait pas de rentrée progressive. Elle était heureuse de retrouver son école, ses amis et son enseignante. Malgré tout, elle a été impressionnée par la situation. Effectivement, ça l’était! Afin d’assurer le bon déroulement, les pompiers, les policiers et les brigadiers étaient en grand nombre. À cela s’ajoutait une entrée dans l’école dorénavant différente puisque tous les enfants doivent se désinfecter les mains un à un. Avant de quitter sa mère, Alice lui a dit : «il y a beaucoup de règles… qu’est-ce qu’il va rester de l’fun?»
Évidemment, ses parents l’attendaient avec impatience en fin d’après-midi. Alice, la larme à l’œil, a raconté que sa journée «avait été plate», qu’ils avaient travaillé seulement dans leurs cahiers, sans bouger, à leur bureau. Elle n’a pas réellement réussi à parler à ses amies étant donné les très nombreuses consignes et contraintes. Dans la cour d’école, une zone est déterminée pour leur groupe, mais les mouvements sont restreints afin de respecter en tout temps les deux mètres de distance entre chacun. Ils ont accès à des cerceaux, des cordes à danser, mais le jeu libre ne peut plus se faire comme avant.
À la maison, les libertés étaient nombreuses. Après une à deux heures de scolarisation, Alice pouvait bouger, jouer, courir, manger une collation quand elle le voulait. De toutes petites choses qui prennent une tout autre ampleur lorsqu’on retourne en classe et que l’on doit se déplacer l’un derrière l’autre, en respectant les ronds ou les X par terre, en allant se laver les mains à des moments définis… En effet, la liberté ne résonne plus de la même manière pour nos enfants… mais, la vision de la liberté diffère en fonction de chacun.
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Des enfants heureux devant la nouveauté
Pour Émilie, 7 ans, la liberté consistait à retrouver d’autres enfants! C’est d’ailleurs sur ça qu’elle semble avoir focalisé tout au long de la journée : le plaisir d’être entourée d’amis!
Émilie s’est réveillée tôt, elle était excitée de retourner à son école, dans la région des Laurentides. Sa mère s’est réveillée tôt également, mais pas pour les mêmes raisons. Elle était anxieuse face à cette nouvelle réalité. Elle était triste de laisser sa fille à l’école, mais c’est ce que celle-ci souhaitait. Finalement, après une journée d’école, Émilie a rejoint ses parents, le bonheur dans les yeux! «Ç’a été vraiment cool!»
Émilie n’a pas retrouvé son enseignante puisque celle-ci est enceinte, et elle a dorénavant trois profs. On serait tenté de dire : ça n’a aucun sens… Pourtant, la journée semble s’être très bien déroulée. Le groupe est pris en charge par les professeurs d’éducation physique, d’anglais et aussi de musique. Ce sont des visages connus pour les enfants, puisqu’ils étaient dans l’école auparavant, mais ils ne les connaissaient pas personnellement. Avec leur bagage respectif, ils apportent tous quelque chose de différent, malgré les multiples consignes à respecter et les très nombreux lavages de mains à l'ordre du jour.
Les élèves ont droit à deux récréations de 30 minutes par jour, en plus d’un moment sur l’heure du diner pour sortir à l’extérieur. Des stationnements ont été transformés afin de pouvoir y accueillir les enfants et leurs jeux. Chaque groupe possède ses propres ballons, cordes à danser, cerceaux, mais aucun matériel ne peut être échangé entre enfants. Tout est remis dans le sac par la suite afin d’être lavé avant la prochaine récréation.
Les petits groupes modifient également la dynamique de classe. Émilie a même raconté à sa maman avoir osé, pour une rare fois, lever la main pour répondre à une question. Des petits groupes... On en rêvait depuis si longtemps.!
Sa mère ajoute : «comme parents, on a beaucoup d’inquiétudes, on ne sait pas trop quelle est la bonne décision à prendre, mais quand on voit son enfant heureux, on se dit que c’est sûrement ce qu’il fallait faire.»
Des inquiétudes vite dissipées
En Montérégie, mais à l’extérieur de la CMM, Nathan avait quelques inquiétudes avant de se rendre à l’école. Des vidéos avaient été envoyées, au préalable, expliquant les nouvelles consignes à respecter à l’école, de quelle manière les déplacements se feraient. Beaucoup de nouvelles informations qui démontraient clairement qu’il ne retrouverait plus son école d’avant. Mais, ce qu’il a trouvé semble encore mieux! À cette école, l’entrée était progressive. Lundi, il n’y avait que les groupes de maternelle et de 3e année. Chaque enfant avait droit à un accueil chaleureux de toute l’équipe-école. De quoi mettre un sourire sur le visage de tous les jeunes, mais aussi sur ceux des parents!
Nathan n’a pas non plus retrouvé son enseignante, qui est également enceinte, mais il a retrouvé un remplaçant qu’il avait eu en début d’année, un remplaçant qu’il avait adoré!
La journée s’est donc aussi très bien passée. Les enfants sont encadrés, mais tout semble être fait de manière respectueuse et dans la bonne humeur. Dans cette école, les cours d’éducation physique n’ont pas été annulés. Au contraire. Puisque l’école avoisine les terrains d’une polyvalente, déserte actuellement, ils peuvent utiliser tous les grands espaces pour y faire différents jeux, dont des courses à relais, sans contact, bien sûr.
Sa maman mentionne : «son sourire valait mille dollars! Nathan n’a aucun problème d'apprentissage, et il était plutôt bien à la maison, mais on réalise qu’il avait vraiment besoin de ça : de l’école, de ses amis, de voir d’autre monde, de sortir de la maison!» Non, il n’y a pas de contacts entre les enfants, mais ils peuvent s’assoir pour parler de tout et de rien. Ils peuvent rire ensemble, et ça, ça fait du bien!
Chaque enfant entre dans cette nouvelle réalité scolaire avec sa personnalité, son tempérament, ses attentes; en devant respecter les contraintes qu’impose la COVID-19. Chaque enfant s’y adaptera différemment.
Les enseignants qui se trouvent devant eux doivent aussi s'adapter et ils feront toute la différence. On le sait depuis toujours, mais actuellement, on en prend conscience plus que jamais : ils ont une importance capitale, tout comme leur façon d’enseigner. Évidemment, les contraintes comme la distanciation physique et l’impossibilité de partager le matériel rendent la tâche des plus complexes. Mais nos profs sont des êtres d’une grande créativité. Les apprentissages, entre autres, grâce aux jeux et à la littérature jeunesse seront à l’ordre du jour dans plusieurs classes. Avec les petits groupes de 12 ou 13 élèves, chaque enfant pourra y trouver plus facilement sa place. Il en résultera nécessairement beaucoup de positifs. Laissons-le temps à chaque enseignant de se réinventer… ce n’est pas peu demander en si peu de temps. Et n’oublions pas d’être solidaires.
Les prénoms des personnes citées ont été modifiés.