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Alice Morel-Michaud est comédienne depuis sa tendre enfance, mais elle est également devenue créatrice de contenu sur le web avec sa chaîne YouTube, puis sa forte présence et ses prises de parole sur Instagram.
Aujourd’hui, elle se questionne : peut-on être à la fois influenceuse et actrice? Est-ce que ces deux rôles sont conciliables? Comment gérer les contrats publicitaires de part et d'autre?
Il était une fois en 2018, l’after-party de l’événement « Juste pour Ados ». Après avoir signé des centaines d’autographes pour des adolescents ayant l’espoir de rencontrer leurs idoles, une cinquantaine de personnalités appréciées des jeunes prenaient un verre dans une section VIP de la place des festivals.
La grande salle de réception où tout cela avait lieu était, littéralement et figurativement, séparée en deux. D’un côté il y avait les acteurs, chanteurs, humoristes, etc. Bref ; tous ceux qui œuvrent dans le monde médiatique traditionnel. Et de l’autre côté, il y avait les influenceurs, créateurs de contenu et youtubeurs qui travaillent dans le monde des réseaux sociaux.
Et à la croisée de ces deux univers, il y avait moi, à la fois comédienne et influenceuse.
Je vis une sorte de double vie depuis que j’ai commencé ma chaîne YouTube en 2016. Une double vie un peu moins prestigieuse que celle d’Hannah Montana, mais j’accepte la comparaison!
Ayant déjà une communauté bien active sur Instagram en raison de ma carrière de comédienne, c’était tout naturel pour moi d’évoluer sur une plateforme complémentaire, soit YouTube. « Petite Alice » est donc née d’un désir d’entrer en contact avec mon public et de partager mon opinion sur le web sur des sujets qui me tiennent à cœur.
Même si j’ai grandi en écoutant YouTube plus que la télévision, je n’envisageais pas du tout une carrière sur les réseaux sociaux. Pourtant, en peu de temps, j’ai été recrutée par une agence de marketing d’influence, et j’ai commencé à faire des contrats de publicité sur Instagram et YouTube.
5 ans plus tard, me voilà moins présente sur YouTube, mais encore bien active sur Instagram, où mes contrats de publicité représentent environ 20% de mon salaire annuel. J’ai la liberté de ne pas devoir accepter tout ce qui m’est offert puisque mon métier principal reste celui de comédienne.
Je n’ai jamais eu énormément de problèmes à jongler les deux volets de mon travail, mais on me demande souvent de me justifier quant à la pertinence de la création de contenu rémunéré dans ma carrière.
Pourtant, je ne suis ni la première ni la dernière comédienne qui fait de la publicité. Pense à Martin Matte pour Maxi, ou à Guillaume Lemay-Thivierge pour Hyundai. La plus grande différence est que je le fais sur Instagram. Ça semble être une nuance assez importante pour la plupart de mes collègues sur les plateaux de tournage.
J’ai souvent l’impression que malheureusement, les artistes qui œuvrent dans les médias traditionnels portent beaucoup de jugements envers les créateurs du web. Selon moi, ces préjugés résultent d’une grande incompréhension de la charge de travail qu’être créateur de contenu demande.
J’ai souvent des questionnements éthiques à propos du fait que j’associe mon nom et mon image à de la publicité.
C’est quand même étonnant, puisque quiconque a déjà été sur un plateau de tournage ou de photo sait ce que ça prend pour arriver au produit final : recherche, texte, lumière, son, caméra, montage, publication, etc.
Je trouve ça dommage que les créateurs du web ne soient donc pas davantage applaudis par les travailleurs de la télé et du cinéma.
En plus du jugement de ce qui est un « vrai » métier de création, je pense que le désir de plusieurs acteurs de se distancier des influenceurs s’explique par la peur.
Lorsque tu travailles très fort pour faire ta place en tant qu’acteur respecté, tu as peur de perdre de la crédibilité en faisant de la publicité. Tu ne veux surtout pas avoir l’air « vendu », encore moins sur les réseaux sociaux. Cette crainte-là, je la comprends.
J’ai moi-même souvent des questionnements éthiques à propos du fait que j’associe mon nom et mon image à de la publicité et des contenus commandités. Il y a des gens qui pensent qu’en tant que comédien, on doit rester neutres et être connus que par nos personnages. Suivant cette philosophie, je devrais donc éviter complètement de partager ma vie sur les réseaux sociaux, et ne surtout pas m’associer à un objet de vente.
Par contre, lorsque j’accepte un contrat de publicité sur Instagram, c’est parce que j’endosse à 100% le produit ou la cause.
J’ai le contrôle créatif et éditorial sur mon contenu, ce qui me permet d’être fière de la publicité que je fais alors qu’en tant qu’acteur, on doit parfois, contre notre gré, faire du placement de produit. Le tout est décidé par les producteurs et nous n’avons pas notre mot à dire là-dessus. C’est souvent ce que j’essaie de rappeler à mes collègues lorsqu’ils roulent les yeux en parlant des influenceurs…
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De l’autre côté, je comprends parfaitement la frustration que la plupart des créateurs du web ont envers les médias traditionnels. Je sais que plusieurs souhaitaient, à la base, travailler en télé ou du moins en communication.
En œuvrant sur les réseaux sociaux, on prend notre carrière en main, plutôt que d’attendre l’appel d’un producteur.
Mais certains n’ont simplement jamais voulu travailler avec un autre médium que le web. Il est vrai que pour certaines personnes de mon âge, la télé, c’est le passé. Il est clair que pour les créateurs de contenu, les médias traditionnels sont moins accueillants et ouverts à la diversité, alors que les réseaux sociaux sont plutôt synonymes de liberté.
Quant à moi, un pied de chaque côté de la clôture, je suis attachée aux deux milieux. Je me sens de toute évidence plus en amour avec le métier de comédienne, mais je n’ai pas envie de me limiter à une chose.
Je pense que c’est ce qui est génial des métiers artistiques : on peut constamment se réinventer. C’est pourquoi j’aime être pigiste ; j’adore répondre aux exigences d’un réalisateur sur un plateau de tournage, puis produire mon contenu de façon autonome le lendemain. Qui sait, peut-être un jour je produirai mon contenu publicitaire pour la télévision? Ce serait vraiment le « best of both worlds », comme Hannah Montana le dit si bien.
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