Écrire les mots que vous vous apprêtez à lire n’a pas été facile, mais j'espère que ce texte apportera une plus grande clarté sur ce que ressent la population noire aujourd’hui.
Il y a quelques années, quand mon fils avait 7 ans, je lui ai acheté un hoodie comme à chaque année puisqu’il grandit. Mais cette année-là, bien malgré moi, j’ai commencé à avoir la « fameuse » conversation avec lui. C'était la première fois que je disais à mon fils qu’il ne devait jamais mettre son capuchon. Et lui de me répondre : « Mais maman, j’ai froid aux oreilles! ». Et mon coeur de mère s’est brisé, parce que je le savais trop petit pour comprendre.
Et je savais aussi que le temps où je ne pourrai plus le protéger viendrait. Donc alors qu'il avait sept ans, un peu inconsciemment, j’ai commencé à le préparer pour quand (et non pas si) il se fera interpeller par la police.
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Dimanche dernier, il y eu une marche pour protester contre le racisme et la violence policière. J’ai lu à plusieurs endroits que, vu la situation de pandémie dans laquelle nous sommes présentement, ce n'était pas le bon moment pour aller faire une manifestation au centre-ville.
Ce n'est jamais le « bon » moment de parler de racisme
C’est vrai que ce n'était pas le bon timing - comme ça ne l'était pas en octobre 2019 suite au rapport sur la brutalité policière, comme ça ne l'était pas il y a 12 ans suite à la mort de Fredy Villanueva tué par des policiers, comme ça ne l'était pas en 1991 après l’attaque sanglante de Rodney King par des policiers...
Des marches comme celle de dimanche, il y en a depuis des années, mais les changements n’arrivent toujours pas.
Ira Bostic/Shutterstock
En octobre 2019, un rapport indépendant commandé par le SPVM démontrait qu’une personne noire est 4 à 5 fois plus souvent interpellée par la police qu’une personne blanche. Mais la réalité, c’est qu’un même rapport était publié en 2009 avec les même résultats... Donc aucun changement.
Il n’y a pas de bon moment pour aller manifester et protester, puisque lorsque ça arrive, c’est la grogne, la colère, la rage d’un peuple qui dénonce une injustice qui se lève et qui ne peut plus se taire.
Donc oui, encore une fois, je suis allée marcher.
Cette fin de semaine avant la marche, j’ai contacté mon amie en appel vidéo - une amie blanche. Nous avons parlé de tout et de rien, mais rapidement la conversation s’est dirigée vers les événements des derniers jours. Je sais que son coeur est à la bonne place - c’est pour cette raison qu’elle est mon amie d'ailleurs - mais comme elle ne vit pas ma réalité, ce sera toujours difficile pour elle de comprendre et ressentir tout cette douleur que j’ai en ce moment.
La fin des violences racistes : une lutte qui nécessite l'aide de tout le monde
En lui parlant, je vois apparaître à l'écran la petite tête de son garçon de 4 ans et à ce moment-là, je fait un parallèle avec mon fils qui a maintenant 9 ans. Et c’est là qu’elle a compris. Les larmes aux yeux et la voix enrouée, je lui ai dit que son fils n’aura jamais froid aux oreilles. Elle n’aura jamais à avoir « la conversation » avec son enfant pour le préparer.
Impuissante, elle me demande ce qu’elle peut faire pour changer les choses. Je lui réponds : « Ma chère amie, tu n’es pas obligée d’aller manifester dans la rue. Ce que tu peux faire, tu le fais déjà : lorsque tu es au travail, entre amis ou en famille et qu’il y a un commentaire, un geste raciste ou une « blague » empreinte de préjugés qui se passe devant toi, ne tourne pas les yeux, ne fait pas la sourde oreille. Mais surtout, ne reste pas silencieuse. Prends la parole et dénonce, au risque de créer un malaise. Parce que c’est lorsqu’on devient inconfortable qu’on peut grandir, qu’on peut avoir une prise de conscience et attaquer les problèmes de front. Nous vivons ensemble dans cette si belle société, c’est donc notre problème à tous, et nous ne pourrons le régler qu’ensemble. J’ai besoin de toi comme alliée pour atteindre l'égalité pour tous ».
Et un jour, nos enfants pourront tous mettre leur capuchon quand ils auront froid.
Ce texte a été rédigé au printemps 2020.
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