Comme si la fermeture des écoles et l’impatience grandissante de nos adolescents – qui commencent sérieusement à s’ennuyer – n ’étaient pas assez, les parents doivent maintenant jongler avec un problème de plus : la générosité de Justin Trudeau!
La Prestation canadienne d’urgence pour étudiants (PCUE) de 1250 $ par mois, annoncée en avril dernier, offre un soutien financier aux étudiants postsecondaire et aux récents diplômés de niveau secondaire et postsecondaire qui sont incapables de trouver du travail en raison de la COVID-19. Le problème, c’est qu’elle risque aussi de décourager les jeunes de travailler cet été et de priver plusieurs PME de main-d’œuvre.
Comme le soulignait mon collègue Daniel Germain, la PCUE, qui pourra être versée de mai à août, représente l’équivalent d’environ 22 heures de travail par semaine au salaire minimum. Les critères d’admissibilité sont plutôt souples, et tant qu’un jeune gagne moins de 1000 $ par mois (soit l’équivalent de près de de 18 heures par semaine), il a droit à la prestation.
Sauf qu’une fois ce cap franchi, il la perdra au complet.
Donc, quelle est la motivation pour un jeune de travailler une 19eme heure dans sa semaine? S’il le fait, il perd 1250$ ! Aucun jeune n’aura donc intérêt à gagner des revenus de travail de plus de 1000 $ par mois, à moins de gagner un salaire horaire beaucoup plus élevé que le salaire minimum…
Vraiment, ce programme a été mal conçu, même si l’intention de mettre plus d’argent dans les poches de ceux qui en ont besoin était noble. Ses concepteurs auraient dû tenir compte des incitations au travail. Par exemple, en permettant à l’étudiant de travailler plus s’il le désire, sans qu’il ne soit pénalisé aussitôt qu’il franchit le seuil de 1000 $ gagnés par mois.
Mais ce qui est fait est fait. Et peut-être qu’Ottawa corrigera le tir dans les jours qui viennent. Mais cela nous laisse avec un défi à relever : en tant que parents, comment motiver son jeune dans cette situation? Quels arguments avez-vous à lui donner pour qu'il ait envie de se lever et d’aller travailler, au lieu de simplement faire le calcul que la PCUE va être plus payante pour lui s’il reste à la maison à ne rien faire?
Au gré de discussions avec des parents d’adolescents, j’ai réuni quelques réflexions que je vous partage ici.
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Donne-toi un avantage sur les autres
La première raison d’aller travailler, quand on est en début de carrière, c’est l'expérience. Garnir son «CV». Vaut mieux accumuler de l’expérience de travail que de «gamer» dans le sous-sol de la maison. C’est ce qui vous positionnera en avance, professionnellement, sur les «paresseux» qui auront choisi la facilité du chèque. De plus, quand on se rend au travail, on développe tranquillement un réseau de contacts, autant social que professionnel. Et dites-vous que l’adage selon lequel «dans la vie, ce n’est pas ce que tu connais qui compte, mais bien qui tu connais», contient un fond de vérité…
Tu as un pied dans ta carrière de choix? Restes-y!
Cet argument est assez facile à faire, car votre ado sera probablement d’accord. Pour illustrer mon propos, rien de mieux que ce témoignage de Julie, une amie. «Ma fille a eu tout le mal du monde à finir son secondaire 5. Elle venait tout juste de commencer un diplôme d’études professionnelles en coiffure. Elle allait enfin pouvoir faire ce qu'elle aime! Elle venait de se trouver un petit boulot dans un salon et gagnait 150 $ par semaine. Maintenant, le programme du fédéral lui en donne beaucoup plus. Mais pourtant, elle tuerait pour retourner au travail, apprendre son métier et acquérir de l'expérience dans un salon, tout en complétant son D.E.P. Elle est consciente que l'expérience, ça vaut beaucoup plus qu’un chèque!»
L'école de la vie
Un travail étudiant, c'est aussi une expérience de vie. On y apprend la valeur de l’argent, les sacrifices à faire quand on veut épargner pour le futur. Faire des sacrifices aujourd'hui pour obtenir des bénéfices plus tard (le concept de delayed gratification) est une recette éprouvée chez tous les gens qui ont obtenu du succès dans la vie. Mais aussi, le travail étudiant permet d’interagir avec des collègues. On apprend à se démarquer, à imposer nos idées. On confronte pour la première fois un patron, on reçoit des directives. Toutes ces expériences ont une valeur, et pourront nous aider à découvrir ce que nous préférons dans un milieu de travail et de préciser nos choix de carrière.
Quel rôle veux-tu jouer dans la société?
Autre réflexion, de Martin. «La question à poser, c’est veux-tu contribuer à combler les besoins de notre société en cette période de crise, en échange d’un salaire, ou préfères-tu plutôt devenir toi-même un besoin à combler, qui refuse de lever le petit doigt? La PCUE a été créée pour sortir du pétrin les gens dans le besoin. Si tu peux contribuer à la société avec un emploi, fais-le donc! Ça s'appelle devenir un adulte qui contribue, et c'est gratifiant. Je pense que les adolescents de nos jours sont sensibles à faire le bien autour d'eux.»
En somme, pour court-circuiter l’avantage strictement financier de collecter un chèque, pourquoi ne pas adopter une approche plus holistique, avec des arguments plus moraux que financiers, et se concentrer sur le long terme et la carrière, pas seulement les quatre prochains mois à venir.
Parce que quelques milliers de dollars qui tombent du ciel, c’est bien beau. Mais souvenez-vous des sages paroles d’un certain Félix Leclerc : «La meilleure façon de tuer un homme, c’est de le payer à ne rien faire.»
David Descôteaux est chroniqueur et journaliste économique depuis plusieurs années. Il est aussi l'auteur du best-seller en finances personnelles "D'endetté à millionnaire" et d'une série de livres pour enfants sur l'économie et la finance.