Ça va. Sérieux, ça va. Tout va bien. Toutes les sphères de ma vie vont bien. J’ai une situation professionnelle idéale. Un couple passionnel et différent qui me fait grandir. Un entourage aimant et bienveillant. Une santé hors-pair (bon à part une ampoule sur le ventre parce que je me suis brûlée avec une courge), qui est d'autant plus précieuse en ces temps de pandémie.
Mais je me sens vide en dedans.
Quand on me demande si ça va, je réponds avec hésitation : « Euh...ça va. Sérieux ça va! Rien à signaler! ». Puis je surenchéris : « Ça va, mais j’ai comme l’impression que j’ai rien de digne de mention à signaler ».
Certains me laissent continuer avec un « Ça va, mais je me sens vide en dedans, sous-stimulée, genre engourdie, genre numb comme dans la toune de Linkin Park ».
Habituellement, soit ça vire en small talk futile soit en discussion vraiment profonde entrecoupée par quelques citations de Kundera ou Nietzsche (pas facile à écrire, ce nom-là).
Quand je prends le temps de m’écouter, de me comprendre ou du moins d’essayer de me comprendre, je constate que je vais bien, je suis reconnaissante et somme toute heureuse, mais il y a un je-ne-sais-quoi sur lequel je n’arrive pas à mettre le doigt.
Un espèce de vide existentiel. La constatation du long tunnel de la vie.
J’ai le goût de virages. De côtes. De descentes. De freinages secs.
fizkes/Shutterstock
Pourtant, ma vie continue d’être excitante. Je me sens néanmoins en mode pilotage automatique. Ma vie est sur le cruise-control. Le bolide va bien et effectue étrangement bien la job. Je me sens zéro étourdie. Mon auto-pilotage gère bien les courbes et la vitesse.
Dans le fond, c’est ça. Mon bolide va tellement bien que je ne me questionne même pas sur la destination ni même le périple. Anyway, il est agréable ce périple-là. Agréable parce que j’ai le cerveau pis l’esprit à off.
J'imagine que c'est un sentiment partagé en cette période de confinement et d'avenir incertain, right?
C’est cool sur le court terme de se laisser emporter par le courant de la vie, mais j’ai pas le goût d’avoir le cerveau et l’esprit à off toute ma vie. Qu’est-ce qui a éteint ma switch? Comment je la rallume? Est-ce la vie d’adulte? Toutes ces responsabilités m'anesthésient-ils?
Nietzsche dirait que oui. Je vais le citer tant qu’à faire : « Toutes les institutions humaines ne sont-elles pas destinées à empêcher les hommes de sentir leur vie, grâce à la dispersion constante de leurs pensées? »
Antonio Guillem/Shutterstock
Comment sortir de ces institutions? Comment reprendre le contrôle de mon véhicule? Vais-je aussi bien le manœuvrer que le pilotage automatique?
« Faut avoir des projets ». J’en ai.
« Faut bouger et bien manger ». J’le fais.
« Faut lire pour se cultiver l’esprit ». Les citations sur Nietzsche ne t’ont pas convaincu que je suis bibliophile?
« Faut méditer pis apprendre à se sentir exister ». Ah ben ouais. Là, tu jases!
Dans le fond, c’est vrai que ça prend peut-être juste ça. Prendre le temps de méditer. Me sentir exister. Sentir mes sensations arriver et passer. Reconstater que tout est impermanent dans la vie. Même ce vide existentiel qui me fait réfléchir et grandir.
Nietzsche a déjà écrit : « Deviens ce que tu es ». Je pense qu’il faut peut-être que je constate mon être pour être cet être-là.
Dans le fond, méditer c’est peut-être ma solution.
Dans le fond, c’est peut-être aussi la dépression saisonnière.
Dans le fond, ça va bien. Vraiment. J’ai juste hâte au prochain virage.
Publicité