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Elles sont est un balado original de Noovo Moi qui donne la parole à des personnes ayant pour point commun d'avoir des parcours atypiques. Cet article est un complément de l'épisode 5 et aborde le sujet du féminisme et de la religion : est-ce conciliable?
Merci infiniment à l'animatrice Mélissa Bédard et à ses trois invitées, Johanne, qui est catholique pratiquante, Nafija, qui est musulmane de tradition sunnite et Éloïse, qui est chrétienne évangélique protestante.
Les trois femmes ne correspondent pas du tout à l’idée reçue voulant que les femmes religieuses soient « soumises ». Elles s’accordent pour dire qu’il est très important que les femmes aient leur place dans leurs différentes religions.
Johanne est arrivée à la foi durant son adolescence, alors qu’elle était éprise de justice sociale, entre autres la condition des femmes. En tant que féministe, elle a pris des distances par rapport à certains préceptes de la religion catholique, en tant que féministe. Elle souhaite exprimer sa foi autrement que par des représentations très masculines et patriarcales de Dieu.
Elle affirme ainsi qu’elle pratique avec un groupe de femmes catholiques féministes, qui lui permettent de s’affirmer à sa manière. Elle déplore le fait qu’il n’y ait pas de reconnaissance officielle des femmes comme prêtre. Toutefois, elle insiste sur le fait que beaucoup de femmes sont engagées à divers niveaux au sein de l’Église. Ces femmes développent leur propre discours sur Dieu, même si souvent elles le font en dehors des tribunes officielles pour « ménager » l’ordre établi.
Nafija se décrit elle aussi comme féministe et elle croit que la religion musulmane est également en train de laisser les femmes prendre plus de place. Dans sa religion, il y a « des érudites », ces personnes qui connaissent, interprètent et enseignent les écrits. Ces dernières forment d’autres femmes sur les questions féminines, par exemple en ce qui a trait aux menstruations et à leur influence dans la pratique musulmane.
Toutefois, Nafija fait remarquer qu’il n’y a pas encore d’imam féminine, c’est-à-dire de leader religieux musulmans, sauf pour de très rares exceptions.
Éloïse ajoute que dans l’Église évangélique protestante, il y a beaucoup de femmes pasteures, il ne s’agit pas dans ce cas d’un mot uniquement masculin! Ces pasteures ont suivi leur formation en conséquence et sont reconnues officiellement. Elle indique aussi qu’il y avait « beaucoup de femmes qui étaient des têtes fortes dans la Bible ».
Les trois femmes de foi ont pourtant l’impression que les femmes non-croyantes n’ont pas en tête l’image de femmes qui prennent leur place ou prennent la parole au sein de leur religion, peu importe laquelle.
Cela étant dit, les femmes reconnaissent que la situation des femmes n’est souvent pas idéale au sein des grandes religions.
Johanne décrie entre autres la discrimination que les femmes vivent au sein de l’Église catholique –elles sont exclues de toute forme de pouvoir. Elle utilise même un mot « fort » pour décrire cette situation difficile à prendre pour acquis en 2022 : « l’apartheid des femmes dans l’Église catholique ».
Nafija souligne quant à elle que lorsqu’elle est devenue plus pratiquante et qu’elle s’est mise à lire des textes religieux, elle n’a vu aucune contradiction entre l’Islam et la place des femmes, incluant des femmes très fortes. Cependant, elle évoque plus spécifiquement l’exemple du divorce, avançant que dans son milieu, les femmes sont souvent celles qui sont considérées comme « à tort » dans un conflit de couple et elles portent la faute de « briser les ménages ». Elle ajoute même que les imams vont souvent se ranger du côté de l’homme dans ces situations, à cause d’affinités naturelles entre eux. Pourtant, rappelle Nafija, dans la religion musulmane la femme peut demander le divorce sans avoir besoin d’une raison.
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Johanne trouve très désolant que nombre de femmes dénigrent les femmes religieuses pratiquantes. Elle trouve que le débat sur la laïcité des dernières années a amplifié ce phénomène de division.
Les trois invitées souhaiteraient que toutes les femmes, incluant les féministes, soient solidaires des femmes religieuses. Elles rejettent le présupposé féministe « traditionnel » qui sous-entend que pour être libre, les femmes devraient quitter leur appartenance religieuse.
Johanne, Nafija et Éloïse répondent que non, elles veulent réellement continuer à appartenir à leurs groupes et transformer ceux-ci de l’intérieur.
Elles sont est un projet qui nous a énormément tenu à cœur comme équipe éditoriale, parce que nous considérons que ce sont des réalités difficiles, mais qu'il demeure nécessaire d'en parler.
Depuis le début du projet, et avant même sa réalisation, nous l’avons porté avec amour et espoir. Mais même en sachant à quoi nous attendre, nous avons été renversées par la puissance des épisodes. Ceci est dû d’une part à l’animation si fine, sensible, empathique et intelligente de Mélissa Bédard. Nous n’aurions pas pu choisir une meilleure personne pour piloter ce projet particulier! Mais c’est également dû aux personnes invitées si pertinentes, éloquentes et attachantes, qu’on aurait toutes envie de prendre dans nos bras. Loin d’être des victimes, elles présentent chacune à leur façon un modèle de courage et de résilience.
Elles sont est une série magistrale, que tout le monde devrait écouter sans faute et dont nous sommes extrêmement fières.
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